Histoires incroyables

XXX

« C’est dans trois mois que serontécoulés les dix ans que je lui ai accordés.

« Ainsi, il y a neuf ans et neuf mois quele crime a été commis. Je me regarde et je suis étonné de constatercombien peu j’ai changé. Pas une ride, pas un cheveu blanc. C’estque je n’ai pas vécu ; je me suis renfermé dans ma haine commedans une forteresse inattaquable… Seule, ma tête a vieilli :le cerveau a tant travaillé ! Quels efforts et quellesrecherches ! Mais tout cela est oublié, tout cela s’estévanoui. Il me semble que ces dix années ont passé comme une heure,et je me retrouve au lendemain de cette nuit terrible… cette nuitoù elle est devenue sa femme.

« Ma haine a-t-elle diminué, s’est-elleamortie ? Non, oh ! non. Je la sens vivace, jeune. Ellen’a pas grandi, elle ne le pouvait pas. En vérité, je suis heureuxde me retrouver face à face avec le passé. Je n’ai pas faibli, etl’homme d’aujourd’hui est digne de venger les injures de l’hommed’autrefois.

« Quant à lui, je le retrouve après dixannées plus fort, plus vigoureux ; cette nature s’est épanouiedans la vie ; l’activité a aidé à son double développementmoral et physique. Il est véritablement beau, sa chevelure noires’est rayée de quelques lignes d’argent… Il est revenu d’un longvoyage, il est devant moi, accoudé sur une table. La lune éclaireen plein son visage ; il consulte et classe les notesrecueillies ; ses traits sont calmes, nets, bien dessinés.Jamais je ne l’ai si bien regardé… Il lève les yeux vers moi, il mesourit, puis il prend la parole et m’explique ses plans, me raconteses projets.

« Ses projets ! Va, parle, songe àl’avenir, songe aux années qui vont suivre… Tu ne vois pas, sur taroute heureuse, la pierre à laquelle ton pied trébuchera ; tune distingues pas la fosse béante dans laquelle tu seras précipité…par moi, à qui tu souris, que tu aimes, par moi, qui tehais !…

« Admirable chose, en vérité, que desavoir ainsi attacher un masque sur son visage ! Comment sepeut-il faire que mon œil ne trahisse pas la pensée intime de moncerveau ? que cet œil soit calme alors que l’idée bouillonnedans mon crâne ?

« Trois mois ! trois moisencore ! et tout sera fini. L’échéance fatale approche. Lejour est fixé où je te présenterai la traite que j’ai tirée sur tavie. Et il te faudra payer sans délai, sans retard possible.

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