Histoires incroyables

XL

« Premier mouvement : La terreur,terreur effroyable, immense… être enterré vivant. Au réveil,comprendre cela et se dire : Je suis perdu : je vaispérir lentement, misérablement, dans des tortures indicibles,paralysé, étouffé… la faim va crisper mes entrailles… Se souvenirque des êtres, précipitamment inhumés, se sont rongé les bras, etfrémir tout entier à cette hideuse pensée…

« Deuxième mouvement : La résistancefolle, irraisonnée… la protestation contre cette hideuse erreur…protestation de la pensée, protestation de la chair… se débattreinstinctivement, sans raisonner, chercher à arracher le suaire, àbriser le cercueil… Folie, impuissance.

« Troisième mouvement : Laprostration. Inutile de résister. La tombe ne rend pas sa proie… Nepouvoir remuer… se sentir emprisonné, incapable d’un effortviolent… Alors retomber sur soi-même et se dire : C’est lafin ! attendons !

« Quatrième période :L’espoir : Si je criais ! La voix n’est pas prisonnière…elle peut porter au dehors… au loin. Dans le parc, le hasard peutamener quelqu’un… sinon tout de suite, dans une heure, dans sixheures… demain !

« Et l’enterré crie. Sa voix porte,quoique le poids du couvercle étouffe son intensité : c’estune ululation longue, lugubre…

« Sois tranquille ! ta voix a étéentendue… mais par nul autre que par moi !… Je mets la clefdans la serrure… c’est une vieille porte de fonte exposée à lapluie, à l’humidité… la serrure est rouillée et rouillés sont lesgonds… Je tourne la clef bien lentement… je tiens à ce que le fergrince. C’est la première réponse à son appel… puis je pousse laporte… lentement, toujours. Les gonds crient avec un hurlementaigu.

« Lui s’est tu. Il n’a pas cru d’abordque ce fût un vrai son parvenant à son oreille… si tôt etsi vite… au premier appel. Mais si ! c’est bien réel. C’estbien le bruit de la clef… c’est bien la porte qui tourne.

« Le mort n’ose pas crier encore… ilretient son souffle ! Puis involontairement, quand il s’estbien persuadé que le bruit n’était pas une illusion, un nouveauHa ! s’échappe de sa poitrine…

« Oh ! comme le son s’estmodifié ! C’est un mot articulé… Il a dit : À moi !au secours !

« Je n’ai rien répondu… je l’écoute. Etdans cette voix j’étudie les modulations de sa pensée… je me suisarrêté tout à coup… j’ai abandonné la porte. Aucun bruit ! Luicrie plus fort : À moi ! à moi !

« Même silence. J’ai produit l’effetdésiré. De ce premier espoir, il va retomber dans les profondeursdu désespoir muet… et, tranquille, je tire la porte à moi, je metsla clef dans ma poche… et je me donne une heure pour faire le tourdu parc.

« Dans une heure, jereviendrai !

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