Lettres choisies

25. – À Guitaut

À Paris, vendredi 27 avril 1674. C’est une plaisante chose que de recevoir une de vos lettres datée d’Aix, et que ma pauvre fille se trouve fâchée de n’y être pas pour vous y recevoir. Vous aurez bientôt M. de Grignan ; mais pour elle, je vous la garde.Revenez la voir tout aussitôt que le service du Roi votre maître vous donnera la liberté de quitter vos îles. Je ne sais si elles sont inaccessibles. Je crois que vous devriez le souhaiter, car le bruit ne court pas que vous ayez beaucoup d’autre défense, au casque les ennemis fussent assez insolents pour vous faire une visite. Je laisse à notre cher d’ Hacqueville à vous parler de la Franche-Comté et de toutes les armées que nous avons sur pied aux quatre coins du monde. Je veux vous dire ce que les gazettes ne disent point. Monsieur le Premier, prenant congé du Roi, lui dit : « Sire, je souhaite à Votre Majesté une bonne santé, un bon voyage et un bon conseil. » Le Roi appela M. le maréchal de Villeroy et M. Colbert, et leur dit : « Écoutez ce que Monsieur le Premier me souhaite. » Le maréchal répondit de son fausset :« En effet, Sire, tous les trois sont bien nécessaires. »Je supprime la glose. Je veux parler aussi de Mme la duchesse de La Vallière. La pauvre personne a tiré jusqu’à la lie de tout ; elle n’a pas voulu perdre un adieu ni une larme. Elle est aux Carmélites, où, huit jours durant, elle a vu ses enfants et toute la cour, c’est-à-dire ce qui en reste. Elle a fait couper ses beaux cheveux, mais elle a gardé deux belles boucles sur le front.Elle caquète et dit merveilles ; elle assure qu’elle est ravie d’être dans une solitude. Elle croit être dans un désert, pendue à cette grille. Elle nous fait souvenir de ce que nous disait, il y a bien longtemps, Mme de La Fayette, après avoir été deux jours à Rueil, que pour elle, elle s’accommoderait parfaitement bien de la campagne. Mandez-nous comme vous vous trouvez de la vôtre. Si j’avais l’hippogriffe à mon commandement, je m’en irais causer avec vous de toutes les farces qui se sont faites ici entre les Grignan et les Forbin : les ruses de ceux-ci, les droitures des autres, et le reste ; mais il faudrait être à Époisses, pour parler cinq heures de suite. Je n’oublierai jamais cette aimable maison, ni les douces et charmantes conversations, ni les confiances de mon seigneur. Je les tiens précieuses, et je prétends, par le bon usage que j’en fais, avoir une part dans son amitié, dont je lui demande la continuation préférablement à toutes ses autres sujettes et servantes. Mon oncle l’Abbé vous fait mille compliments.Il a reçu les ordres de madame votre femme, qu’il exécutera avec grand plaisir.

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