Lettres choisies

62. – À Madame de Grignan

Aux Rochers, dimanche 24èmeseptembre 1684. De Charles de Sévigné Je juge, ma belle petite sœur, de votre chagrin par la joie que j’ai présentement. J’ai ma mère et le Bien Bon ; ils sont tous deux en très bonne santé,malgré la fatigue du voyage. Je comprends l’inquiétude que vous aurez pendant leur absence ; je n’entreprends pas de vous rassurer, mais vous pouvez compter que tout ce que les soins et l’application peuvent faire sera employé pour la conservation d’une vie si précieuse. Je vous pardonne de me porter envie présentement,mais il était juste qu’elle partageât un peu entre nous deux les plaisirs qu’elle donne par sa présence. Ne m’en haïssez pas, ma belle petite sœur, et à mon exemple aimez vos rivaux ; c’est ce que Mme de Coulanges a reconnu en moi, à ce qu’elle dit, et ce que j’ai toujours senti dans mon cœur pour vous. Mon oncle m’a donné ce matin le joli présent de ma princesse. Nous avons été une demi-heure, l’abbé Charrier, lui et moi, à vouloir ouvrir ce petit flacon. Nous avons tant fait par nos tournées que nous avons fait tourner le bouchon ; il y avait un peu de peine au commencement, mais comme nous nous relayions tous trois l’un après l’autre, il tourne présentement avec beaucoup de facilité. Ma mère nous a donné une autre manière de l’ouvrir, qu’elle a trouvée bien plus aisée qu’elle n’était avant que nous y eussions apporté nos soins, et il en arrive une grande commodité ; c’est que l’eau de la reine de Hongrie en sort toute seule, sans qu’on ait la peine de l’ouvrir. Adieu, ma très chère et très aimable petite sœur. Mille remerciements à ma divine princesse ; que je m’ennuie qu’elle ne soit pas encore vicomtesse, et que je serai aise quand cette métamorphose sera arrivée ! Je fais une oraison très dévote et jaculatoire à sainte Grignan, et vous embrasse de tout mon cœur. Je vous ai tant écrit, ma bonne, que je ne fais ici que vous embrasser tendrement. Je meurs d’envie de savoir de vos nouvelles ; j’ai bien eu des lettres, mais pas une de vous. Votre belle-sœur me prie de vous dire mille choses, que vous imaginez aisément.

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