Lettres choisies

41. – À Madame de Grignan

À Livry, samedi au soir, printemps-été1679. Vous qui savez, ma bonne, comme je suis frappée des illusions et des fantômes, vous deviez bien m’épargner la vilaine idée des dernières paroles que vous m’avez dites. Si je ne vous aime pas, si je ne suis point aise de vous voir, si j’aime mieux Livry que vous, je vous avoue, ma belle, que je suis la plus trompée de toutes les personnes du monde. J’ai fait mon possible pour oublier vos reproches, et je n’ai pas eu beaucoup de peine à les trouver injustes. Demeurez à Paris, et vous verrez si je n’y courrai pas avec bien plus de joie que je ne suis venue ici. Je me suis un peu remise en pensant à tout ce que vous allez faire où je ne serais point, et vous savez bien qu’il n’y a guère d’heures où vous puissiez me regretter, mais je ne suis pas de même, et j’aime à vous regarder et à n’être pas loin de vous pendant que vous êtes en ces pays où les mois vous paraissent si longs. Ils me paraîtraient tout de même, si j’étais longtemps comme je suis présentement. Je voudrais bien que votre poumon fût rafraîchi de l’air que j’ai respiré ce soir : pendant que nous mourions à Paris, il faisait ici un orage, jeudi, qui rend encore l’air tout gracieux. Bonsoir, ma très chère. J’attends de vos nouvelles, et vous souhaite une santé comme la mienne ; je voudrais avoir la vôtre à rétablir. Voilà mes chevaux, dont vous ferez tout ce qui vous plaira. Pour Madame de Grignan.

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