Lettres choisies

88. – À Madame de Grignan

À Lambesc, dimanche 11 décembre 1695. À 11 heures du soir. Je pars demain à six heures du matin, ma très aimable, pour Marseille, où la bonne présidente me recevra. Tous mes jours sont comptés. Je n’en serai qu’un dans cette belle ville,et deux à Aix. Je logerai chez Mme de Soissans ;M. de Montmor est en campagne. On me regrette ici.M. de Grignan s’accommode assez bien de moi. Saint-Bonnet est parti, il y a quatre heures, pour la cour. Il fait un temps comme je l’ai toujours vu ici. Je suis tourmentée des mouches et des puces ; j’ai horreur de mon habit de velours ; mon habit violet est trop pesant. Voilà comme l’hiver est rigoureux ! Je souhaite que cette douceur vous redonne des forces, et que vous ne vous traitiez plus de fantôme. Vous ne me parlez point assez de vous ;j’espérais un billet de Martillac. Ne savez-vous rien, ma bonne, de cette adjudication ? elle me repasse par la tête. Je voudrais que mes lettres vous eussent divertie. Je n’ai point vu que M. de Grignan ait eu celle de la marquise d’ Huxelles. Sollery vous mandera la bonne vie que l’on fait ici. Un grand festin aujourd’hui chez l’archevêque, avec qui je causai hier deux heures tête à tête ; il est toujours vif et croit n’avoir pas ennuyé M. de Pontchartrain dans les conférences qu’ils ont eues ensemble. Tout vous honore ici et surtout Mme du Janet, qui vous ira voir.

Adieu, ma très chère bonne ; je retournerai auprès de vous encore plus volontairement que je n’en suis partie. Mille baisemains à Monsieur le Chevalier et à M. de La Garde.

89. – À Moulceau

À Grignan, samedi 4ème février1696. Je ne me suis point trompée, Monsieur, quand j’ai cru que vous seriez touché de ma peine et que vous feriez toute la diligence possible pour la soulager. Votre ordonnance de M. Barbeyrac et votre lettre ont eu des ailes, comme vous le souhaitiez, et il semble que cette petite fièvre, qui paraissait si lente, en ait eu aussi pour fuir aux approches seulement du nom de M. Barbeyrac. Tout de bon, Monsieur, il y a du miracle à un si prompt changement, et je ne saurais douter que vos souhaits et vos prières n’y aient contribué. Jugez de ma reconnaissance par leur effet. Ma fille est de moitié de tout ce que je vous dis ici ;elle vous fait mille remerciements et vous conjure d’en faire beaucoup à M. Barbeyrac. Nous sommes trop heureuses de n’avoir plus qu’à prendre patience, et de la rhubarbe, dont elle se trouve tout à fait bien. Nous ne doutons pas que dans cet état de repos,M. Barbeyrac n’approuve ce remède, avec un régime qui est quelquefois le meilleur de tous. Remerciez Dieu, Monsieur, et pour vous, et pour nous, car nous ne saurions douter que vous ne soyez intéressé dans cette reconnaissance, et puis, Monsieur, jetez les yeux sur tous les habitants de ce château, et jugez de leurs sentiments pour vous. La M. de Sévigné.

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