Lettres choisies

50. – À Guitaut

À Livry, mardi 24ème octobre1679. Vous n’avez donc pas eu M. de Caumartin ? Quelle raison vous a-t-il donnée pour ne point faire un voyage si naturel et si bien placé ? Il me semble que l’amitié qui est entre vous les devait conduire tout droit à Époisses. Pour moi, Monsieur, je suis dans cette forêt solitaire et triste comme vous savez. J’ai quelque envie de tourner mon intention du côté d’une retraite pour me préparer à la bonne fête de la Toussaint. Jusqu’ici, j’en ai fait une caverne de larrons, c’est-à-dire un lieu où j’ai passé plusieurs jours dans un horrible chagrin. Je voudrais bien faire de tout cela un sacrifice à Dieu, et l’offrir comme une pénitence ; avec de telles vues,on rendrait bon tout ce qui est mauvais. Cette comtesse me revient toujours au cœur et à l’esprit. Elle a de cruels maux de jambes ; c’est l’humeur de cette poitrine qui se jette là.Elle est toujours d’une maigreur qui me fait trembler. Elle me cache la moitié de ses maux, et l’éloignement fait qu’on n’a jamais de repos. Elle vous demande de l’eau de Sainte-Reine ; je crois que vous l’avez déjà envoyée. Il faut croire qu’elle en a besoin. Ils sont présentement, selon mes supputations, à leur petite Assemblée. M. de Vendôme n’y va point encore cette année ; ils enterreront la synagogue. Après cela, je leur conseille bien de régler leurs affaires de si bonne manière qu’ils puissent être à Paris comme les autres, et que ma fille ne soit occupée que du soin de rétablir sa santé, s’il est possible.N’êtes-vous pas de cet avis ? J’ai été quelques jours à Paris. Je serai ici jusqu’après la Toussaint. On ne parle que de M. et de Mme de Ventadour. Vous avez de trop bons correspondants,ou correspondantes, pour se mêler de vous dire des nouvelles. Ou vous viendrez en apprendre vous-même, ou l’on vous en contera cet hiver. Que je vous admire, et que vous êtes sage d’être chez vous,pour les raisons qui vous y font demeurer ! Mais quand elles cessent, on a quelque plaisir à revoir ses amis. En vérité, vous êtes un des hommes du monde qui me convient le plus. Madame, voulez-vous bien que je le dise, et que j’avoue, comme il le disait l’autre jour, que c’est un grand bonheur, ou un grand malheur, que nous ne nous soyons pas rencontrés plus tôt ? Le bon Abbé vous assure tous deux de ses respects. Il se porte très bien ; son heure n’était pas marquée. Il faut jouir de cet été Saint-Martin que la Providence lui donne encore. Aimez-moi, je vous en conjure, puisque vous m’avez embarquée à vous aimer très sincèrement. M.R.C.

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