Lettres choisies

60. – À Madame de Grignan

À Saumur, lundi au soir 18èmeseptembre 1684. Toujours le vent contraire, ma chère bonne,depuis que je vous ai quittée ; c’est un mouvement si violent pour moi que tout se fait à force de rames. Cela m’a arrêtée un jour plus que je ne pensais, et je n’arriverai que demain à Angers,qui sera justement huit jours après mon départ ; je crois que j’y trouverai mon fils. Je vous écrirai de cette bonne ville. Je verrai demain, avant que de partir, ma nièce de Bussy, dont les tourières ont aboyé sur moi que je n’étais pas encore abordée. La beauté du pays a fait mon seul amusement. Nous sommes quatorze et quinze heures, le Bien Bon et moi, dans ce carrosse,tournant même le dos à notre cabane, qui nous amuserait ; mon carrosse est tourné autrement que la dernière fois. Nous attendons notre dîner comme une chose considérable dans notre journée. Nous mangeons chaud ; nos terrines ne cèdent point à celles de M. de Coulanges. J’ai lu, mais je suis distraite, et j’ai compté les ondes plutôt que de m’appliquer encore aux histoires des autres ; cela reviendra, s’il plaît à Dieu. Songez, ma chère mignonne, que je vous écris à tout moment ; je vous ennuie avec confiance de l’ennuyeux récit de mon triste voyage et, depuis huit jours, je n’ai pu recevoir un seul mot de vous. Toutes nos journées ont été dérangées, mais j’espère d’en recevoir demain à Angers. J’en ai une extrême envie ; vous le croyez bien, ma très chère bonne, et qu’ayant été contrainte de penser sans cesse à vous, je n’ai pas manqué de repasser sur tous les sujets que j’aide vous aimer, et d’être persuadée de votre tendresse, et qu’ainsi la mienne est toute chaude et toute renouvelée. La Providence l’a ainsi ordonné : toute société nous a manqué. Il y aurait bien des choses à dire sur le plaisir ou la contrainte qu’on en recevrait. Notre Très Bien Bon est content et en parfaite santé, et moi aussi ; il vous embrasse. Parlez de moi à toute votre famille. Et votre santé, ma chère, est-elle parfaite ?Je saurai demain tout cela, et votre voyage de Versailles. Nous vous embrassons tous deux.

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