Chapitre 14ÂME EN PEINE
Ragastens, lorsqu’il fut remonté à la surface de la terre, étaitlivide, comme si, du tombeau de la Voie Appienne, il fût réellementsorti un mort. Quelque chose de nouveau et de profond venaitd’entrer dans sa vie. C’était une poignante sensation de désespoiret un sentiment confus de joie orgueilleuse à peineperceptible.
Il allait à pas lents, entre les deux rangées de tombeaux,silencieux, s’interrogeant, cherchant à comprendre ce qui sepassait en lui. Et sa pensée s’épandait en phraseshachées :
– Jadis, lorsqu’il m’arrivait de sentir battre mon cœur àl’aspect d’une femme, maintes fois, je me suis dit que j’aimais…Puis, en quelque cabaret, une querelle, un duel me faisaientoublier la femme aimée… J’étais libre alors… Libre de parcourirl’univers, avec la joie d’être partout chez moi !…
Il s’arrêta, essuya son front d’un revers de main. Puis ilmurmura :
– Libre !… Et seul !… Primevère !murmura-t-il.
Et comme sa main crispée se posait, dans un mouvement machinal,sur ses yeux brûlants de fièvre, il sentit que cette main semouillait… Oui !… Ragastens pleurait !…