Borgia !

Chapitre 44NUIT DE NOCES

Le palais des Alma, comme la plupart des demeures seigneurialesde l’Italie, était embelli par de vastes jardins. Tandis quel’escalier monumental de la façade aboutissait sur la grande placeombragée d’érables séculaires, un autre escalier à doublerévolution descendait d’une magnifique terrasse qui s’adossait àl’arrière du palais et ses degrés de marbre permettaient dedescendre dans le parc.

Ce soir-là, Primevère avait lentement descendu le grand escalierde marbre, ordonnant à ses femmes de la laisser seule. Pensive,elle s’était enfoncée dans le parc. Puis elle avait été s’asseoirsur un banc de granit poli.

Enfant, elle avait joué sur ce banc, près de sa mère. Jeunefille, elle y avait rêvé, par les chaudes soirées, d’un prince quiviendrait un jour, jeune comme elle, audacieux, étincelant decourage et d’esprit…

Maintenant, celui qu’elle attendait pouvait venir. Elle nes’appartenait plus ! Elle ne pourrait plus, en souriant, luitendre la main et lui dire :

– Je vous attendais… je suis à vous…

Et comme, avec un soupir, elle pensait à ces choses, à son rêvebrisé, à sa jeunesse jetée aux bras d’un vieillard, voici qu’unléger bruit de pas fit crier le fin gravier des allées. Une ombrese dressa devant elle, et une voix lui dit :

– Me voici, madame, suivant l’ordre que vous m’avezdonné.

Primevère n’eut pas besoin de lever les yeux pour reconnaître lechevalier de Ragastens. Il demeurait debout, la toque à la main, àdeux pas du banc.

– Monsieur, dit-elle, j’ai voulu vous remercier… Devanttémoins je ne l’eusse peut-être pas fait aussi pleinement que je ledésirais… C’est pourquoi je vous ai prié de venir me rejoindreici…

Ragastens s’inclina silencieusement.

– Vous remercier, reprit-elle avec une émotion qu’elle neput tout à fait maîtriser. Car, seule ici, je puis comprendre etapprécier le sacrifice que vous avez consenti…

– Un sacrifice, madame ? interrogea le chevalier.

– Est-il une autre expression plus juste ? Croyez-vousque je n’aie pas tout compris la nuit où, sur mon désir, vous êtesvenu dans les catacombes de Rome m’apprendre ce quej’ignorais : que César Borgia vous offrait unesituation ? J’ai su que vous étiez pauvre et j’ai su aussi quele fils du pape vous réservait toute sa faveur. Il ne tenait qu’àvous d’accepter ces offres brillantes ; de pauvre, vousdeveniez riche ! Et je connais plus d’un gentilhomme romain,j’entends des plus en renom, qui eussent considéré comme unefortune inespérée de se trouver dans la situation où vous vousétiez placé du premier coup… Chevalier, vous avez renoncé à lafortune et aux honneurs, vous vous êtes attiré la haine mortelledes Borgia, vous avez encouru une effroyable condamnation, et toutcela pour ne pas être mon ennemi… Je cherche en vain les mots quipourraient vous dire ma reconnaissance…

– Madame, dit Ragastens, si vraiment, en agissant selon ceque je croyais être l’honneur j’ai accompli un sacrifice, j’en suistrop payé par ce que vous venez de me dire.

– Enfin, continua Primevère, vous avez sauvé mon père. Jeme croirais indigne de votre générosité si je ne vous parlais avecfranchise. Le comte Alma trahissait les siens… Vous avez évité aunom que je porte une tache ineffaçable…

– Au nom que vous portez, madame ? interrompitRagastens avec émotion.

Primevère tressaillit. Elle comprit le sens caché de laquestion.

– Au nom que je portais ! murmura-t-elle enpâlissant.

Puis aussitôt, elle poursuivit avec dignité :

– D’ailleurs, monsieur, c’est toujours le même nom… Vousignorez sans doute que les Manfredi et les Alma sont même famille.Les deux branches eussent été également marquées d’une profondeentaille par… le départ définitif du comte Alma… Vous avez encorerisqué votre vie pour nous épargner une honte et une douleur.

Elle se tut comme si, brusquement, trop d’émotion l’eûtoppressée.

– Madame, dit alors Ragastens, en quittant le service desBorgia, en ramenant le comte Alma dans sa capitale, en employant lepeu que je suis à vous éviter, fût-ce l’ombre d’un chagrin, je n’aifait que tenir ma parole…

– Expliquez-vous, monsieur.

– Vous rappelez-vous, madame, le jour où j’eus l’honneur devous rencontrer dans un bois d’oliviers, près d’unruisseau ?…

– Je ne l’ai pas oublié, fit Béatrix en fermant lesyeux.

– En ce cas, peut-être vous souvenez-vous également de ceque je vous dis alors… Je vous dis que, pour vous, j’étais prêt àrépandre mon sang dès qu’il en serait besoin, et que je mettais mavie à votre service… Vous le voyez, madame, je n’avais plus, dès cemoment, le droit d’agir autrement.

Il y eut ainsi une minute de silence qui fut pour elle plein demystérieux émoi, et pour lui, plein d’amertume.

« Oh ! songea-t-il, désespéré, si elle m’aimait commeme l’a dit Jean Malatesta, me parlerait-elle si froidement ?…Elle accepte le sacrifice de ma vie et croit sans doute fairebeaucoup pour moi en me remerciant… »

Cependant, Primevère s’était remise.

– Je ne voulais pas seulement vous remercier, monsieur,reprit-elle. Je voulais aussi vous demander… si toutefois vousvoulez bien me les dire… vos intentions actuelles… Mon père vous anommé, je crois, son maître de camp ?… Vous avez refusé cetemploi ?…

– Oui, madame.

– Il est certain que vous êtes beaucoup trop au-dessus dela fonction…

– Ce n’est pas cela, madame. L’emploi de maître de camp esthonorable et on peut s’y distinguer. Il serait plutôt au-dessus dece que je pouvais espérer…

– Pourquoi ne pas l’accepter, alors ? fit Primevèreavec plus de vivacité. Oh ! Je vous en supplie, monsieur, neme croyez pas ingrate au point de supposer que je considéreraicette charge comme une preuve suffisante de ma reconnaissance…Mais, dans votre acceptation, je verrais la preuve que… vous voulezbien rester près de nous… que votre vaillance et votre épée ne nousferont pas défaut dans la terrible extrémité où nous allons noustrouver… et enfin… que nous sommes toujours… amis…

Primevère prononça ces derniers mots d’une voix si basse et sitremblante que Ragastens les devina plutôt qu’il ne les entendit.Un vertige soudain le saisit. Il fut sur le point de se jeter auxgenoux de Béatrix, de lui crier son amour…

– Rassurez-vous, madame, dit-il amèrement, mon épée demeureà votre service. Nous sommes toujours… amis, selon le mot que vousme faites l’honneur d’employer…

– Eh bien ! s’écria-t-elle, puisqu’il en est ainsi,pourquoi refusez-vous ce que vous offre le comte Alma ?

– Madame, dit Ragastens froidement, je suis un soldatd’aventure, et la situation brillante de maître de camp estau-dessus de mes prétentions… Elle comporte des liens quim’effraient, je l’avoue. J’ai toujours vécu au jour le jour,n’acceptant de maître que ma fantaisie, de guide que mon caprice dumoment, respirant au grand air, allant, venant, m’arrêtant etrepartant selon mon inspiration… Pardonnez-moi donc de ne pas merendre à vos instances… Je préfère agir en toute liberté etfranchise…

– Mais enfin, vous allez rester à Monteforte ?

– Je l’ignore, madame.

Le mot avait été dit sèchement, presque brutalement. Ragastenscontinua :

– En tout cas, si je vois que mes services peuvent vousêtre de quelque utilité, je resterai jusqu’au jour que j’espèretrès prochain où César, vaincu, sera obligé de reculer… Mais alors,plus rien ne me retiendra en Italie et je rentrerai en France.

– Plus rien ? soupira Primevère.

– Plus rien ! répéta Ragastens.

– Vous ferez selon votre volonté, monsieur.

Ragastens s’inclina profondément et fit un pas pour se retirer.Il avait le cœur plein d’amour, de désespoir et de colère.Primevère le retint d’un geste.

– Excusez-moi, monsieur, dit-elle d’une voix faible. Jevoulais aussi vous parler… d’un incident… survenu aujourd’hui…

– Parlez, madame…

– Il s’agit de cette discussion que vous avez eue avec leseigneur Malatesta…

« Voilà donc la vérité, songea-t-il en se mordant leslèvres jusqu’au sang pour ne pas crier son désespoir et sa fureur.C’est Malatesta qu’elle aime… Elle m’a fait venir pour me demanderde ne pas me battre ! Elle a peur pour lui ! »

Et il attendit en silence que Primevère s’expliquât. Ce futd’une voix en apparence exempte d’émotion qu’elledemanda :

– Vous voulez vous battre avec Jean Malatesta ?…

– Mais, madame, vous avez vu que le seigneur Malatestas’est loyalement excusé… Le duel qu’il me proposait n’a donc plusraison d’être.

– Je sais. Mais vous devez vous battre… Chevalier, pourquoime cachez-vous la vérité ?… Moi, je ne vous cache pas que j’aientendu ce que Jean Malatesta vous disait dans l’embrasure de lafenêtre…

Un éclair d’espoir illumina l’esprit de Ragastens.

– Vous avez entendu… tout ?

Une rougeur soudaine empourpra le visage de Primevère. Mais ilfaisait nuit…

– J’ai entendu seulement que Jean Malatesta vous donnaitrendez-vous pour demain soir au rocher de la Tête. Je n’ai pasvoulu en entendre davantage. J’avais compris.

– C’est vrai : M. Malatesta m’a provoqué pourdemain…

– Et si je vous demandais…

Elle s’arrêta, tourmentée à cette minute par la pire torturequ’elle eût subie de sa vie.

– Que voulez-vous me demander, madame ? dit froidementRagastens.

– De ne pas vous battre ! répondit-elle dans unsouffle. Si vous lui faisiez comprendre que ni lui ni vous n’avezle droit, en ce moment, de verser votre sang… je suis sûre… qu’ilrenoncerait…

– Ah ! Madame, éclata Ragastens, vos sentiments vousemportent ! Vous me demandez de reculer, de m’humilier !…Cela ne sera pas !… Mais, soyez tranquille, madame,ajouta-t-il tout à coup avec une sorte de râle, dans ce duel, cen’est pas Malatesta qui mourra… Adieu, madame !…

Et il s’enfuit égaré, fou de douleur et de jalousie. Primevèredemeura une seconde frappée de stupeur, comprenant enfin la penséedu chevalier. Alors, sans savoir ce qu’elle faisait, elle se leva,tendit ses bras et appela :

– Ragastens !…

Mais le chevalier était déjà loin. Il n’entendit pas. Primevèreretomba sur son banc et éclata en sanglots.

Soudain, des lumières se montrèrent dans le parc. Des voixretentirent. On l’appelait… Primevère reconnut parmi ces voix celledu prince Manfredi. Quelques instants plus tard, le prince Manfrediapparut devant elle.

– Enfin, c’est vous, s’écria le vieillard. C’est vous,chère Béatrix… J’étais dans une mortelle inquiétude… Prenez mamain… Je vais vous reconduire.

– Tout à l’heure, prince ! répondit Béatrix. Je désireencore respirer la fraîcheur parfumée de cette belle nuit…

Le prince se tourna vers les porteurs de flambeaux et lesrenvoya d’un geste. Quand ils furent seuls, il s’assit près de sajeune femme.

– Vous avez raison, dit-il, ce sont de douces minutes,celles que l’on passe dans la solitude des rêveries, loin desimportuns… La belle nuit !… Comme tout est calme !… Commenous sommes loin du monde !… Concevez-vous mon bonheur,Béatrix ?…

Il prit sa main. Elle le laissa faire. Seulement, elle eut unléger recul que le vieillard ne remarqua pas.

– Bonheur imprévu, inespéré ! continua le princeManfredi. Qui eût pu supposer que, parmi tant de jeunes seigneursépris de votre beauté, vous n’en distingueriez aucun et que ceserait moi, vieillard que guette la tombe, qui deviendrait votreélu !…

– Prince…

Se penchant, le prince Manfredi posa ses lèvres sur la main deBéatrix. Ce n’était plus là un baiser de convenance. C’était unbaiser d’amour ! Primevère jeta un léger cri et, presqueviolemment, retira sa main.

– Qu’avez-vous donc, Béatrix ? demanda levieillard.

Ce qu’elle avait ?…

Lorsque, affolée par la proposition de Malatesta, placée dansl’alternative de résister à cette proposition ou de voir s’écroulerl’œuvre de défense qu’elle avait si longuement combinée, elle avaiteu cette soudaine inspiration de choisir le vieux Manfredi pourmari, elle n’avait pas pensé, à ce moment, que le vieillard,rajeuni par l’orgueil et la joie, voudrait être son époux autrementque de nom !

Elle avait songé seulement à éviter le danger immédiat. Et ledanger, c’était de devenir la femme de Malatesta ou de l’un desjeunes seigneurs dont elle avait, dès longtemps, deviné la passion.Elle s’était réfugiée dans les bras du vieillard qu’elleconsidérait comme un père. Et voilà que le prince Manfredi serévélait amoureux, empressé à réclamer ses droits.

– Venez, chère Béatrix… rentrons.

Et, une fois encore, il voulut prendre sa main. Mais, cettefois, Primevère se recula avec un si visible effroi, que le princepâlit de dépit. Et il renouvela sa question.

– Qu’avez-vous, Béatrix ?…

– Rien, répondit-elle faiblement.

– Cependant, vous paraissez me redouter et me fuir… Depuisque je suis ici, vous ne m’avez pas dit un mot…

– Laissez-moi un peu, seigneur, voulez-vous ? fit-elleavec effort.

Le prince Manfredi se leva.

– Béatrix, dit-il gravement, quelque pensée secrète voustourmente. Ne voulez-vous pas me la dire ?…

– Eh bien, oui ! s’écria alors Primevère. Je ne veuxrien vous cacher !

– À la bonne heure ! fit Manfredi, avec un sourireamer. Parlez donc sans crainte…

– Eh bien, seigneur, je voudrais… Ah ! je ne sais sivous comprendrez…

– Béatrix ! À quoi bon ces réticences ? s’écriale vieillard. Je vois, je comprends admirablement que vous n’avezaucun amour pour moi. Mais, à défaut d’amour que, vieillard, je nepouvais espérer, tout au moins pouvais-je prétendre à un peud’affection sincère…

– Je vous jure que mon affection pour vous est profonde etréelle…

– Et à la soumission de l’épouse ! acheva leprince.

Mais Primevère ne releva pas ce dernier mot.

– Donc, reprit Manfredi, je soupçonne quelque méprise… oupeut-être quelque intrigue dont je serais la dupe. J’aisoixante-douze ans. Nul au monde ne s’est jamais moqué impunémentd’un Manfredi… Parlez, Béatrix ! Je vous adjure de parlerfranchement !

Primevère joignit les mains avec angoisse.

– Vous vous taisez, Béatrix, reprit le prince dont lacolère montait d’instant en instant. Vous m’auriez doncbafoué ?… Vous !… Quel mal vous avais-je fait ?…Pourquoi m’avoir choisi, moi, de préférence à tout autre, pour metorturer et m’humilier ?…

– Prince ! dit-elle d’une voix tremblante. Je vaisvous dire tout ce qui est dans mon cœur. Après, vous ferez commevotre générosité vous inspirera de faire…

– Calmez-vous, mon enfant, dit-il. Expliquez-vous et necraignez rien du prince Manfredi qui, en ce moment, ne veut sesouvenir que d’une chose, c’est qu’hier encore il vous appelait safille.

– Voici la vérité, dit alors Primevère après une minute desilence pendant laquelle elle s’efforça de reprendre tout sonsang-froid… Au moment où Jean Malatesta fit à l’assemblée laproposition que vous savez, je me rendis compte qu’un certainnombre des nôtres, hésitants, peut-être effrayés de la lutte quicommence, n’attendaient qu’un prétexte sérieux pour se retirer…

– C’est malheureusement vrai ! fit le prince.

– Ce prétexte était tout trouvé si je ne me soumettaispas ! Dans cette seconde, qui a été pour moi un siècled’angoisse, j’ai compris que tout le succès de notre entreprisedépendait du mot que j’allais prononcer… Il ne me fallait passeulement désigner un guerrier ; il me fallait aussi choisirun époux… Je résolus de me sacrifier…

– Le mot est cruel pour moi, madame !

– La situation était plus cruelle encore pour moi… JeanMalatesta m’aime… Et je ne l’aime pas. J’ai pour lui l’affectionfraternelle que j’ai pour tous nos amis. Mais je ne puis envisagersans terreur la pensée que je deviendrais sa femme… J’en diraiautant pour les jeunes seigneurs qui m’ont laissé deviner dessentiments que je ne partage point…

– Ainsi, dit le prince, qui ne put dissimuler sasatisfaction, parmi tous ceux qui assistaient à l’assemblée, iln’en est aucun que vous aimiez ?… Vous me le jurez ?

– Je vous le jure. Mais en est-il besoin ? N’aurais-jepas choisi pour époux celui que mon cœur eût souhaité, si un seuld’entre ces jeunes seigneurs m’eût inspiré un autre sentiment quecelui de l’estime et de l’affection ?

– C’est vrai. Pardonnez-moi, Béatrix. Mais le choix quevous avez fait de moi m’a bouleversé au point que je raisonne commeun jeune homme qui craint tout pour son bonheur. Mais continuez monenfant…

– Placée dans la cruelle alternative que vous savez, j’aitout à coup songé à vous, prince ! À vous, qui m’appeliezvotre fille !

Le prince Manfredi étouffa un soupir.

– Je comprends, dit-il amèrement, vous avez épousé le nom…Quant à l’homme…

– Prince, interrompit Primevère, vous vous trompez… Maislaissez-moi finir. Sur la première minute, je fus très heureuse dedevenir votre femme… Mais l’exaltation du danger tomba. Et alors,je me trouvai en présence du fait qui s’était accompli en dehors dema volonté…

Le vieux Manfredi fit un mouvement.

– Oh ! laissez-moi aller jusqu’au bout, dit-elle. Jene pourrais plus reprendre une semblable conversation… Mon cœur sebrise à la pensée de l’injuste chagrin qui vous est fait… Troismois, prince, je vous demande trois mois… Supposez que vous m’avezdemandée et que je me suis accordée à vous !… Ma demande n’arien de blessant, car je vous jure que je n’ai aucune penséed’aversion contre vous… Et puis, prince, n’est-ce pas là aussi unelégitime satisfaction qu’il faut accorder à mon père ?

– Oui ! fit le prince, frappé de ce raisonnement.

– Mon père a ratifié notre mariage. Mais n’est-il pas vraiqu’en agissant ainsi, il a fait contre mauvaise fortune bon cœur,et qu’il a dû accepter un événement qui s’était accompli sanslui ?…

– Arrêtez, Béatrix ! s’écria le vieux Manfredi. N’endites pas plus long : ce serait m’offenser que de me jugercapable de ne pas vous comprendre. Tout ce que vous venez de direest d’une sagesse qui ne devrait pas m’étonner chez vous mais queje ne puis m’empêcher d’admirer.

– Comme vous êtes bon !…

– Juste, seulement !… Plus un mot sur ce sujet,Béatrix… Maintenant, prenez ma main, mon enfant… ma fiancée… jevous conduis dans votre appartement…

– Non, prince… Je désire encore demeurer seule, ici, entête-à-tête avec mes pensées…

– Cependant…

– Qu’ai-je à craindre ?… Maintes fois, il m’est arrivéde rester ici de longues heures dans la nuit.

– Qu’il soit fait comme vous le désirez ! dit leprince en s’inclinant. Puis, lentement, il s’éloigna.

Debout, Primevère regarda la haute silhouette du princes’enfoncer dans l’obscurité. Quand il eut disparu, elle reprit laplace qu’elle occupait sur le banc de granit. Et il lui semblaalors qu’elle était délivrée d’une poignante angoisse et qu’ellerenaissait à la vie.

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