Borgia !

Chapitre 65BORGIA RASSURÉ

Quelques jours s’étaient écoulés depuis l’arrivée de l’abbéAngelo au château de Caprera. Lucrèce attendait avec impatiencel’arrivée de César auquel elle venait encore d’expédier uncourrier. Dans son esprit, comme dans celui de son frère, le vieuxBorgia était condamné. Cependant, elle attendait…

Angelo lui avait exposé son plan. Il fallait introduire lavieille sorcière qu’il avait amenée dans le château. Une fois là,cette femme agirait.

Elle se résolut à « laisser faire » l’abbé Angelo.

Le premier soin de celui-ci fut d’inspirer au vieillard uneconfiance illimitée. Il y parvint. Et si le vieux Borgia continua às’enfermer la nuit à triple verrou, s’il continua à changer dechambre tous les soirs, du moins ses terreurs s’évanouirent peu àpeu, grâce aux efforts de l’abbé Angelo.

Il en était arrivé à sortir même du château. Il se risquaitparfois le soir sur la grève, où il se promenait à pas lents.

Les nouvelles qu’il recevait de la Ville Éternelle devenaientd’ailleurs meilleures. L’insurrection qui avait pris naissance dansle peuple à la suite de la défaite de César semblait s’étoufferelle-même.

Maintenant, le pape commençait à calculer le moment où ilpourrait entrer à Rome. C’est ce qu’il expliquait à son confident,l’abbé Angelo, un soir que tous deux, quelques jours aprèsl’arrivée de l’abbé, se promenaient sur la grève, au pied de lafalaise rocheuse. Des gardes précédaient et suivaient le pape àdistance.

– Je n’ai jamais vu si bon air à Votre Sainteté…

– C’est la mer, vois-tu… Quel calme !… Oui, Angelo, jeme sens fortifié depuis quelques jours… Je le dois en grande partieà ma fille… Elle n’a pas failli un instant ! Elle m’aencouragé… Mais ce n’est pas tout, Angelo. Arrivé ici avec despensées d’amertume et de colère, je ne me sens pas la force deméditer le châtiment des rebelles… Je veux que le pardon soitgénéral. Si tu savais comme le pardon apaise…

Et, comme pour lui-même, il ajouta :

– Si je pardonne, peut-être me pardonnera-t-on aussi, àmoi !…

À ce moment, une ombre noire parut distinctement sur le bord dela mer. Le vieillard la vit, et soudain repris par ses épouvantes,saisit la main d’Angelo.

– Vois-tu ?… fit-il d’une voix angoissée.

– Oui, je vois… Que Votre Sainteté ne craigne rien… Je vaisappeler les gardes…

L’ombre s’était approchée. C’était une femme habillée de noir.Angelo la reconnut. C’était la Maga !…

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