Borgia !

Chapitre 21CÉSAR BORGIA

Rentré dans sa chambre à coucher, César se jeta dans un fauteuilet laissa tomber sa tête dans ses deux mains. Toute sa penséetourmentée, tortueuse et imprécise encore, se résuma dans ces motsqu’il murmura :

– Il aime Primevère… Mais est-ce qu’elle l’aime ?

César était une sorte de fauve. Il avait aimé souvent :mais à la façon des fauves. Il était le mâle qu’excite la vue d’unefemelle qui passe : il prenait la femelle, et c’était tout.Jamais sa jalousie ne s’était éveillée au moment où ses sens aurepos ne lui faisaient pas convoiter la femme.

Or, pour la première fois, un sentiment « humain »naissait et se développait dans cette conscience de fauve. Pour lapremière fois, la possession de la femme convoitée ne luiapparaissait pas comme la complète satisfaction. Pour la premièrefois, il s’inquiétait des antécédents et du sentiment de la femmeaimée.

L’étonnement où cette découverte le jeta d’abord fit place à uneviolente colère. Il se leva, parcourut sa chambre à grands pas,brisa une statuette et deux magnifiques vases de porphyre, écuma,jura. Finalement, il tomba tout habillé sur son lit et se remit àpenser.

– Elle l’aime, c’est incontestable. Ils se sont vus. Il amenti lorsqu’il m’a dit qu’il ne la connaissait pas… Elle l’aime,soit !… Mais s’est-elle donnée à lui ? Oh !rugit-il, ne pas savoir !… Si au moins, je savais !…

Il se jeta brusquement hors du lit et se remit à marcher, avecvraiment les allures d’un fauve qui gronde en songeant à uneproie.

Mais il eut beau faire, se démener, tempêter furieusement, lamême question entêtée venait se poser.

– Le lui demander ? Descendre dans sa cellule !L’interroger ?

Mais il la repoussa avec violence. Il éclata de rire :

– Moi, César Borgia, demandant à M. le chevalier deRagastens si ma future maîtresse est pure ! Quelspectacle !… Ah çà ! je deviens fou à lier…

Pendant une partie de la nuit, il se débattit, tantôt prostrédans une sorte d’abattement maladif, tantôt en proie à des accès dedélire qui, dans les salles voisines, faisaient trembler leslaquais éveillés… Enfin, il finit par arrêter un plan qui, enapparence, conciliait les sentiments qui s’étaient entrechoquésdans sa pensée.

– Eh bien, j’y vais, fit-il en grondant entre ses dents.J’y vais !… Il faut que je sache… je n’y puis plus tenir…Voici le matin… Ragastens plongé dans la dernière cellule, jamaisplus je ne pourrai savoir… Il faut que je sache !… Ilparlera !… Je lui offrirai au besoin la liberté en échange dela vérité ! Il ne sera pas assez fou pour refuser !…

Et, avec un sourire, il continua :

– Quant à lui donner la liberté, je tiendrai ma parole… Jelui ouvrirai la porte… mais un bon coup de poignard par derrière…quand il aura parlé.

Il n’acheva pas. Seulement, il s’assura que sa dague était bienà sa place à sa ceinture.

Il descendit aussitôt au corps de garde situé aurez-de-chaussée, prit la clef de la cellule où était enferméRagastens, la clef qui ouvrait les cadenas des chaînes, ets’enfonça dans les sous-sols…

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