La Guerre dans les airs

4.

Vous comprendrez à présent pourquoi la soudaine apparition dedeux cyclistes, un beau matin, surprit plutôt qu’enchanta lapaisible simplicité de la plage de Dymchurch.

Dymchurch fut une des dernières localités d’Angleterrequ’envahit le monorail, de sorte que sa spacieuse plage de sable, àl’époque de notre histoire, demeurait encore une retraite secrèteet délicieuse pour un petit nombre de familles, qui fuyaient lesvulgarités et les extravagances et se contentaient de se baigner,de s’asseoir à l’ombre, de converser et de jouer avec leursenfants. Les Derviches du Désert n’avaient rien pour séduire detelles gens.

Les deux formes blanches juchées sur des roues cramoisiesvinrent par la route de Littlestone, grandissant à mesure qu’ellesavançaient et s’annonçant à grands coups de trompe, émettant unevariété de cris sauvages et faisant prévoir un remue-ménage du typele plus agressif.

– Miséricorde ! – s’écrièrent les baigneurs de Dymchurch. –Qu’est-ce qui nous arrive là ?

Alors nos jeunes gens, selon leur plan prémédité, serejoignirent, roulèrent de front, mirent pied à terre etrectifièrent la position.

– Mesdames et Messieurs, – débitèrent-ils, – accordez-nous lapermission de nous présenter nous-mêmes. Vous voyez devant vous lesDerviches du Désert !

Et ils s’inclinèrent profondément.

Les quelques groupes épars sur la grève les considérèrent pourla plupart avec une sorte d’horreur ; mais des enfants etplusieurs jeunes garçons parurent intéressés et s’approchèrent.

– Pas un sou à faire ici, – grommela à mi-voix Grubb.

Les Derviches du Désert appuyèrent lune contre l’autre leursmachines, avec un empressement comique qui fit rire un petit garçoningénu. Puis, aspirant une longue bouffée d’air, ils entonnèrentleur chanson la plus guillerette. Grubb détaillait les couplets, etBert faisait de son mieux pour rendre le refrain aussi entraînantque possible. Entre chaque couplet, pinçant les plis de leurblouse, ils esquissaient divers pas de danse qu’ils avaientsoigneusement répétés d’ensemble.

Ils chantèrent et dansèrent sur la plage ensoleillée deDymchurch ; les enfants faisaient cercle, émerveillés etperplexes devant une conduite aussi singulière de la part d’êtresapparemment humains. Les adultes prenaient un air froid ethostile.

Tout au long des côtes de l’Europe, ce matin-là, les cordes desbanjos résonnaient, des voix chantaient, des enfants jouaient ausoleil, les barques de promeneurs se balançaient de-ci de-là ;la vie multiple et facile de l’époque, sans soupçonner les dangersqui se rassemblaient contre elle, poursuivait son cours folâtre etsatisfait. Dans les villes, des hommes déployaient mille activités,vaquant à leurs affaires, courant à leurs rendez-vous. Les placardsde journaux avaient trop souvent crié « Au loup ! » ; àprésent, ils le criaient en vain.

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