La Guerre dans les airs

7.

Herr Graf von Winterfeld laissa Bert dans un état fort aplati oufort dégonflé, pourrait-on dire, et il lui avait tiré tous lesdétails de sa petite histoire.

Bert, anxieux de se soulager, avait fait les aveux les pluscomplets ; il avait expliqué le costume bleu, les sandales,les Derviches du Désert, tout ! La question des plans resta ensuspens. Le secrétaire s’amusa même à des considérations sur lespremiers occupants du ballon.

– Che suppose, – dit-il, – que la tame était la fameusepersonne… Mais ce n’est pas notre affaire… C’est très curieux etamusant, oui… mais je crains que le Prince soit ennuyé. Il a agiavec sa promptitude habituelle. Il prend touchours ses décisionsavec promptitude, comme Napoléon. Aussitôt qu’on l’eut informé defotre descente dans le camp de Dornhof, il a dit : « Emmenez-le.Emmenez-le. C’est mon étoile ! » L’étoile de son destin… Fouscomprenez, il sera contrarié. Il fous a donné l’ordre de venirparce qu’il croyait que fous étiez Herr Pouteraidge, et fous nel’étiez pas… Fous avez essayé de chouer le rôle, c’est biencertain, mais ce fut un essai malheureux. Ses chugements des hommessont équitables et droits et il faut mieux pour les hommes s’yconformer, complètement. Spécialement à présent… Particulièrement àprésent.

Il reprit son attitude familière, sa lèvre inférieure serréeentre le pouce et l’index, et il parla sur un ton presqueconfidentiel :

– C’est bien tésagréable. J’avais émis un doute sur fotreidentité, mais le Prince ne m’écouta pas… il n’écoute rien… À cettealtitude, à présent, il est impatient, nerveux, surexcité.Peut-être va-t-il penser que son étoile s’est moquée de lui, ou quec’est moi qui l’ai rendu ridicule.

Il plissa le front et pinça les coins de sa bouche.

– Mais j’ai les plans, – dit Bert.

– Oui, il y a cela, évidemment. Mais fous comprenez que lePrince s’intéressait à Herr Pouteraidge à cause de son histoireromanesque. Herr Pouteraidge était tellement plus…pittoresque ! Je crains bien que fous ne soyez pas de force àdiriger la construction des machines volantes à notre parcaéronautique, comme il désirait que le fît Herr Pouteraidge. Ils’était promis de lui donner ce poste… Et il y a aussi le prestige…le prestige mondial d’avoir Herr Pouteraidge avec nous… Enfin, nousverrons ce que nous pouvons faire… Tonnez-moi les plans, –conclut-il en tendant la main.

Un frisson terrible secoua M. Bert Smallways des pieds à latête. Il n’a jamais su dire s’il avait oui ou non pleuré, mais ilavait certainement des sanglots dans la voix, en protestant :

– Mais, dites donc… est-ce que je n’aurai rien… pour lesplans ?

Le secrétaire le contempla avec une expression indulgente.

– Vous ne méritez rien du tout, – déclara-t-il.

– J’aurais pu les déchirer.

– Ils ne sont pas à vous.

– Ils n’étaient probablement pas à lui, non plus.

– Pas besoin de fous payer quoi que ce soit.

Bert parut sur le point de commettre des actes désespérés.

– Ah ! vraiment, pas besoin de me rien payer ? –proféra-t-il, contenant mal sa colère.

– Soyez calme, et écoutez-moi. Fous aurez cinq cents livres, jefous en donne la promesse. J’obtiendrai cela pour fous, et c’esttout ce que je puis faire. Je fous les remettrai moi-même, ouplutôt répétez-moi le nom de cette banque, écrivez-le… Là !…Je fous disais que le Prince n’est pas… une bête, et je ne croispas que fotre aspect l’ait séduit, hier soir, non, je n’enrépondrais pas. Il voulait Pouteraidge et fous lui gâtez sonplaisir… Je ne comprends pas bien pourquoi… mais le Prince est dansun étrange état. C’est la surexcitation du départ, sans doute, etcet envol dans les airs. Je ne puis me porter garant de ce qu’ilfera. Mais, si tout va bien, et j’y veillerai, fous aurez cinqcents livres. Ça suffira… Allons, donnez-moi les plans.

– Vieux rapiat ! – s’écria Bert, au moment où le secrétairerefermait la porte en s’en allant. – Quel sale vieuxrapiat !

Il s’assit sur la chaise pliante et se mit à siffloter tout bas,pendant un bon moment.

– Quel fameux tour je lui jouais, si je les avais déchirés,comme ça m’était facile. – Il se frotta le nez pensivement. –Suis-je assez idiot d’avoir vendu la mèche !… Si je n’avaispas parlé de rester anonyme, ça collait !… Trop pressé, mongarçon, trop pressé, et tu mériterais une bonne volée, pour tapeine… Peuh ! je n’aurais pas pu jouer le rôle jusqu’au bout…Après tout, ça n’est pas si mal, cinq cents livres…, car enfin cen’est pas mon secret, c’est une trouvaille, sur la route… Cinqcents livres… Je me demande quel est le prix de la traversée pourrevenir d’Amérique…

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