La Guerre dans les airs

6.

C’est ainsi que le grand et puissant prince Karl Albert futmomentanément chassé du prodigieux conflit dont il avait été un desinstruments les plus actifs. Les hasards combinés de la guerre etdes intempéries avaient conspiré pour le déporter au milieu duLabrador, où il se morfondit pendant six longs jours, tandis quedes événements atroces et stupéfiants bouleversaient le monde. Lesnations se levèrent les unes contre les autres ; les flottesaériennes en vinrent aux prises ; des villes entières furentla proie des flammes, et les hommes moururent par multitudes. Mais,au cœur du Labrador, on aurait pu rêver, n’eût été le bruitintermittent des coups de marteau, que l’univers était plongé dansun silence profond.

Le campement, vu d’un peu loin, avec les cabines recouvertes parla toile du ballon, ressemblait à un campement de romanichels,possesseurs d’une tente de dimensions exceptionnelles. Tous lesbras disponibles travaillaient à la confection d’un mât, auquel lesélectriciens du Vaterland accrocheraient les longuesantennes de l’appareil de télégraphie sans fil qui devait enfinrelier le Prince au monde extérieur. On prenait, pour cet ouvrage,les montants d’acier qui formaient la carcasse du ballon, et ilsemblait parfois qu’on ne viendrait jamais à bout de gréer cemât.

Les naufragés durent, dès le début, se soumettre à desprivations. Les vivres n’abondaient pas et on réduisit lesrations ; en outre, malgré leurs vêtements épais, officiers etsoldats étaient mal protégés contre le vent et le froid pénétrantde ce désert inhospitalier. Il fallut passer la première nuit sansfeu et sans lumière. Les moteurs qui alimentaient les dynamosavaient été mis en pièces, et personne ne possédaitd’allumettes ; tout détenteur d’allumettes, sur l’aéronat, eûtencouru la mort. Les explosifs avaient été lancés par-dessus bord,et ce fut vers le matin seulement que l’officier à profil d’oiseau,dont Bert avait occupé la cabine au début du voyage, avoua qu’ilavait dans son bagage une paire de pistolets de duel et descartouches qui pouvaient servir à allumer du feu. Peu après, onretrouva aussi un reste de munitions dans les caissons ducanon-revolver.

La nuit fut déprimante et parut interminable. Personne nedormit. Il y avait là sept blessés, et von Winterfeld, qui, avec safracture du crâne, délirait, se débattait et articulait des phrasesincohérentes dans lesquelles il était question de l’incendie de NewYork. Les hommes, enveloppés dans tout ce qu’ils avaient trouvéd’utilisable, s’étaient rassemblés au réfectoire, et, serrés lesuns contre les autres, dans les ténèbres, ils écoutaient les crisde von Winterfeld.

Au matin, le Prince les harangua, parlant de la destinée, duDieu de ses pères, de la joie et de la gloire de sacrifier sa viepour la dynastie impériale, et d’un certain nombre deconsidérations similaires, que ses auditeurs auraient étéfacilement enclins à oublier sous cette latitude glaciale.L’équipage l’acclama sans enthousiasme, et au loin un louphurla.

On se mit à l’ouvrage, et il fallut plusieurs jours pour dresserle mât d’acier et y suspendre un réseau de fils de cuivre de deuxcents pieds de long sur douze de large. Pendant tout ce temps, ilne fut question que de travailler, de travailler sans arrêt,péniblement, au milieu de privations cruelles, de difficultésincessantes, et ce qui sauvait du désespoir, c’était seulement lafarouche splendeur des aubes et des couchants, des torrentstourbillonnants, de la cavalcade des nuages, et de l’infiniesolitude. Ils allumèrent des feux qu’ils entretinrent nuit et jour,et les hommes qu’on envoyait à la corvée du bois aux environsdevaient tenir les loups en respect. Des abris furent disposésdevant les brasiers et on y installa les couchettes des blessés quisouffraient par trop du froid dans les cabines. Le vieux vonWinterfeld entra bientôt dans le coma ; parmi les blessés,trois se rétablissaient assez rapidement, alors que l’état desautres empirait, par suite du manque de bonne nourriture. Mais tousces incidents n’étaient qu’accessoires ; des faitss’imposaient à l’esprit avec plus de force. D’abord, le labeurincessant ; il fallait soulever, maintenir et transporter desmasses pesantes et encombrantes, dévider et polir les fils decuivre, et, en second lieu, le Prince, courroucé et menaçant,chaque fois qu’un homme fléchissait. Il se plantait debout à côtéd’eux, et, par-dessus leurs têtes, il tendait le doigt vers le cielvide, dans la direction du sud :

– Le monde nous attend là-bas, – disait-il, – pour le dénouementqu’ont préparé cinquante siècles !

Bert ne comprenait rien à ces paroles, mais il interprétaitaisément la mimique. Le Prince eut plusieurs accès de colère : ils’emporta violemment contre un aérostier qui travaillait aveclenteur et il le mit à une tâche plus pénible ; et, surprenantun homme qui volait la ration d’un camarade, il l’invectiva et lefrappa à la face. Lui-même ne travaillait pas. Il y avait, autourdes feux, un espace libre qu’il arpentait en tous sens, pendant desheures parfois, les bras croisés, parlant à mi-voix de patience etapostrophant sa destinée.

Souvent, ces murmures se transformaient en déclamations,ponctuées de grands gestes ; les hommes interrompaient alorsleur tâche pour l’écouter, jusqu’à ce qu’ils s’aperçussent que leregard de ses yeux bleus était fixe et que sa main s’agitaitobstinément dans la direction des collines du sud.

Le dimanche, le travail fut suspendu pendant une demi-heure, etle Prince prêcha sur la foi et sur l’affection que Dieu témoigna àDavid ; et quand il eut fini, l’auditoire entonna l’hymneEin fester Burg ist unser Gott.

Un matin, dans sa hutte improvisée, von Winterfeld se remit àdélirer, prononçant des phrases ronflantes sur la grandeur del’Allemagne.

– Blut und Eisen ! – criait-il, puis, dans unricanement, il reprenait : – Welt-Politik !Ha !… ha !… ha ! …

Ou bien, d’une voix astucieuse et basse, il expliquait à desauditeurs imaginaires des questions abstruses de politique. Lesautres malades l’écoutaient en silence, et Bert, qui se laissaitdistraire, s’entendit rappeler à sa tâche par Kurt.

Lentement, péniblement, le mât fut mis en place et gréé. Lesélectriciens, pendant ce temps, empruntant la force au torrentproche, actionnaient la petite dynamo à turbines du type Mulhausenqu’employaient les télégraphistes. Le sixième jour, au soir,l’appareil fut prêt à fonctionner et le Prince se mit à appeler saflotte aérienne à travers l’espace. Pendant plusieurs heures sesappels restèrent sans réponse.

Le souvenir de cette soirée hanta longtemps la mémoire de Bert.Un feu rougeâtre flambait et pétillait non loin des électriciens àl’ouvrage, des reflets sinistres couraient au long des mâts ets’accrochaient aux fils de cuivre des antennes. Assis sur uneroche, le menton dans ses mains, le Prince attendait. À quelquescentaines de pas, au nord, se dressait le monticule de pierresentassées sur la tombe qui renfermait la dépouille de vonWinterfeld : une croix d’acier le surmontait. Et au-delà encore,dans un éboulis de roches, les yeux d’un loup brillaient de lueursrouges. Ici gisait la carcasse démantelée du grand dirigeable, etles hommes bivouaquaient autour d’un second feu. Presque tousdemeuraient immobiles et muets, comme s’ils s’apprêtaient àentendre les nouvelles qu’allait enregistrer le télégraphe. Ceuxqui parlaient n’élevaient pas la voix. De temps en temps, dans ladistance, un oiseau lançait un cri aigu, et une fois un loup hurla.Tout cela s’encadrait dans la solitude immense et glaciale.

Au loin, très loin, par-delà des centaines de milles de contréedésolée, d’autres mâts se dressaient, d’autres appareilscliquetaient, en réponse aux vibrations mystérieuses. Maispeut-être aussi qu’aucun appel ne leur parvenait, peut-être que cesvibrations lancées à travers l’éther se perdaient sur un universinattentif.

Enfin, tard dans la nuit, le télégraphiste exténué obtint uneréponse à ses appels : les messages arrivaient clairs et distincts.Et quelles nouvelles ils annonçaient !

Pendant le déjeuner matinal, au milieu de la rumeur confuse desvoix, Bert s’adressa à l’aérostier linguiste :

– Dites donc, renseignez-moi un peu.

– Tout le monte, il est en guerre ! – proclama lelinguiste, en agitant sa tasse de cacao de façon significative. –Tout le monte, il fait le guerre.

Bert promena ses regards vers le sud que teintait l’aurore. Onn’aurait pas cru, vraiment, que le monde entier fût à feu et àsang.

– Tous les nations, ils ont déclaré le guerre ! – continual’homme. – Ils ont prûlé Berlin, ils ont prûlé Londres, ils ontprûlé Hambourg et Paris. Le Chapon il a prûlé San Francisco. Nousafons fait un camp à Niagara. C’est ça que le télégraphe ilannonce. Le Chine il a des DrachenfIieger et desLusftschiffe qu’on peut pas les compter. Tout le monte, ilest en guerre.

– Fichtre ! – fit Bert.

– Oui, – approuva le linguiste, en plongeant le nez dans satasse.

– Vous dites qu’on a brûlé Londres, comme nous avons brûlé NewYork ?

– C’était un pompartement.

– Est-ce qu’on parle d’un endroit qui s’appelle Clapham ?…et de Bun Hill ?

– Ch’en ai pas rien entendu.

Ce fut tout ce que Bert put obtenir pour l’instant. Autour delui, la surexcitation des hommes devenait contagieuse. Bientôt, ilaperçut Kurt, qui, seul, à l’écart, les mains derrière le dos,contemplait fixement l’une des lointaines cascades. Il alla à luiet le salua militairement.

– Je vous demande pardon, mon lieutenant…

Kurt tourna vers lui un visage singulièrement grave, et murmura:

– Je pensais que j’aimerais voir de près cette cascade. Ça merappelle… Qu’est-ce que vous voulez ?

– Je ne débrouille rien dans tout ce qu’on me raconte…Auriez-vous l’obligeance de me mettre au courant de ce qui sepasse ?

– Au diable tout ce qui se passe ! – répliqua Kurt. – Vousle saurez, et du reste, avant que la journée s’achève… C’est la findu monde. On envoie à notre secours le Graf Zeppelin…, ilarrivera demain matin et nous serons transportés à Niagara… ouanéantis pour de bon… dans les quarante-huit heures… Je veux allervoir cette cascade. Venez avec moi. Avez-vous reçu votreration ?

– Oui, mon lieutenant.

– Très bien. En route.

Plongé dans une profonde méditation, Kurt se dirigea, à traversles roches, vers la lointaine falaise. Bert l’escortait, mais, àune certaine distance du campement, Kurt ralentit le pas, pour queson compagnon le rejoignît.

– Dans deux jours, – commença-t-il – nous serons de retour aubeau milieu du grabuge… et c’est une fichue guerre. Voilà lesnouvelles !… Le monde est devenu fou… Le soir où nous avonsété désemparés, notre flotte aérienne a battu les Américains, c’estclair. Nous avons perdu onze aéronefs, et tous leurs aéroplanes ontété brisés. Mais ce n’était là que le commencement. Notreinitiative a mis le feu aux poudres. Toutes les nationsfabriquaient en cachette des machines volantes. Et l’on se bat dansles airs, d’un bout à l’autre de l’Europe, d’un bout à l’autre duglobe. Les Japonais et les Chinois se sont mis de la partie. Voilàle grand fait, le fait suprême ! Ils ont sauté au milieu denos petites querelles… Le Péril Jaune était bien un péril, aprèstout. Les Jaunes ont des escadres aériennes comprenant des milliersd’unités. Ils ont envahi toute la terre. Nous avons bombardéLondres et Paris, et les Français et les Anglais ont bombardéBerlin… Maintenant l’Asie s’en mêle et nous tombe sur le dos àtous… C’est de la démence ! Et personne ne sait où celas’arrêtera. Il n’y a plus de limites : c’est la débâcle, c’est lechaos… On incendie les capitales, on saccage les chantiers et lesusines, on anéantit les mines et les flottes…

– A-t-on fait beaucoup de mal à Londres ?

– Qui peut le savoir ?…

Et Kurt n’en dit pas davantage pour l’instant.

– Ce Labrador me paraît un endroit bien tranquille, – reprit-il.– J’y resterais volontiers… Mais pas possible. Non, il faut quej’aille jusqu’au bout à présent, jusqu’au bout, et vous aussi… toutle monde… Et pourquoi ?… Je vous le répète, le mondes’écroule. Pas moyen d’y échapper, pas moyen de retourner sur nospas. Nous sommes dans le tourbillon, comme des souris enferméesdans une maison qui flambe, comme du bétail entouré de toutes partspar l’inondation… Bientôt on va venir nous chercher pour nousreplonger dans la mêlée… Nous allons tuer, brûler, détruire,massacrer, et nous serons peut-être détruits et massacrésnous-mêmes. Nous aurons à combattre cette fois une flottesino-japonaise, et les chances sont contre nous. Notre tour vavenir. Je ne sais pas ce qui vous attend dans tout cela, mais, pource qui est de moi, je le sais fort bien : je serai tué.

– Mais non, vous vous en tirerez sain et sauf, – répliqua Bert,après un silence embarrassé.

– Non, non, je serai tué, – insista Kurt. Je l’ignorais jusqu’àprésent, mais ce matin, à l’aube, je l’ai su, comme si quelqu’un mel’avait dit.

– Comment cela ?

– Je vous affirme que je le sais.

– Mais comment pouvez-vous le savoir ?

– Je le sais.

– Comme si quelqu’un vous l’avait dit ?

– Comme quelqu’un qui en est certain… Oui, j’en suis sûr, –répéta-t-il, et, pendant un moment, ils avancèrent en silence versla cascade.

Absorbé dans ses pensées, Kurt marchait, sans voir où il posaitses pieds. Au bout d’un moment il recommença.

– Je m’étais toujours senti jeune, jusqu’à présent,Smallways ; mais ce matin, je me suis senti vieux, très vieux.Oh ! si vieux…, bien plus près de la mort que les vieillardsne s’y croient. J’avais toujours pensé que la vie était une partiede plaisir, somme toute… Quelle illusion ! … Ça s’est toujourspassé comme ça, je suppose, les guerres, les tremblements de terre,tout ce qui bouscule ce que notre monde offre d’agréable… C’estcomme si je me réveillais, et voyais cela pour la première fois.Chaque nuit, depuis que nous avons attaqué New York, j’en ai rêvé…Ça a toujours été ainsi…, c’est la vie. On vous arrache à ceux quivous aiment, on dévaste votre foyer… des êtres pleins de vigueur,de souvenirs, doués de mille qualités agréables, sont mutilés,écharpés, carbonisés, quand ils ne meurent pas de faim et deprivations… Londres ! Berlin ! San Francisco !Songez à toutes les existences humaines auxquelles nous avonsbrusquement mis fin, à New York. Et les autres reprennent la danseet continuent, comme si toutes ces atrocités ne comptaient pas. Ilscontinuent, comme j’ai continué, comme des animaux, comme desbrutes !

Il ne souffla plus mot de quelque temps, et n’interrompit sonsilence que pour déclarer brièvement :

– Le Prince est un fou.

Ils parvinrent à un banc de roches à pic, qu’il leur fallutescalader, et ils poursuivirent leur route au long d’un petit coursd’eau, dans un sol marécageux. Autour d’eux, de délicates petitesfleurs roses émaillaient l’herbe et attirèrent l’attention deBert.

– Par exemple ! Dans un endroit pareil ! – s’écriat-il, en se baissant pour en cueillir une.

Kurt fit halte et tourna la tête. Son visage tressaillit d’unegrimace amère.

– Je n’ai jamais vu de fleurs de cette espèce. Comme elles sontjolies, – s’exclamait Bert.

– Faites-en un bouquet, si le cœur vous en dit.

Et, sous le regard rêveur de Kurt, Bert rassembla une gerbe.

– C’est curieux, – remarqua-t-il, – ça fait toujours plaisir decueillir des fleurs.

Kurt ne trouvait rien à ajouter à cette réflexion. Ils seremirent en route, sans plus desserrer les dents. À la fin, ilsarrivèrent sur un monticule rocheux d’où la vue s’étendait sansobstacle sur la cascade. Kurt s’arrêta et s’assit.

– Je n’en veux pas voir davantage, – déclara-t-il. – Ça n’estpas tout à fait ça, mais ça y ressemble.

– Ça ressemble à quoi ?

– À une autre cascade que je connais… – Et il ajouta brusquement– Vous avez une bonne amie, Smallways ?

– C’est drôle, – fit Bert. – À cause des fleurs, sans doute… jepensais justement à elle.

– Moi aussi.

– Quoi ? À Edna ?

– Non. Je pensais à mon Edna à moi. Nous avons tous, je suppose,des Ednas, autour desquelles jouent nos imaginations. J’ai lamienne… une jeune fille… Mais tout cela est fini, bien fini !C’est dur de songer que je ne la reverrai plus jamais… pas même uneminute pour lui dire que je pense à elle.

– Il est bien probable, – intervint Bert, – que vous la reverrezsous peu.

Non, – répliqua Kurt, inexorablement, je sais le contraire. Jel’ai connue, – poursuivit-il, dans un endroit comme celui-ci, dansles Alpes, Engstlen Alp. Une cascade, qui ressemble à celle-ci,mais plus large, dégringole vers Innertkirchen. Voilà pourquoi jesuis venu ici ce matin… Nous avions pu nous échapper et passer unedemi-journée ensemble… Nous cueillîmes des fleurs, comme celles quevous avez cueillies tout à l’heure, de la même espèce, autant queje me souvienne… et des gentianes, aussi.

– Ah ! oui, – dit Bert à son tour, – Edna et moi nous avonssouvent fait cela, cueilli des fleurs, et tout le reste… Oncroirait qu’il y a des années d’écoulées, à présent…

– Elle était belle, résolue et timide, à la fois. MeinGott !… Je ne me contiens plus, du désir de la revoir etd’entendre encore sa voix avant de mourir. Où est-elle ?…Écoutez, Smallways, je vais écrire une lettre… et son portrait estlà, fit-il en touchant sa poitrine.

– À quoi bon, puisque vous la reverrez ? – insistaBert.

– Non ! Je ne la reverrai jamais… Je ne comprends paspourquoi les gens se rencontrent pour être séparés tout aussitôt.Mais je sais bien qu’elle et moi nous ne nous rencontrerons plusjamais. J’en suis convaincu, comme je suis sûr que le soleil selèvera et que cette cascade éclaboussera les rocs de la même façon,lorsque je serai mort. Il n’y a que sottise, violence, cruauté,stupidité, haine et ambition mesquine dans tout ce que l’homme afait et dans tout ce qu’il fera. Gott ! Quelleanarchie, quel fouillis la vie a toujours été… rien autre chose quebatailles, massacres, désastres, haines, discordes, meurtres,lynchages, vols, tromperies, oppression, exploitation… Aujourd’hui,je suis las de toute cette misère, comme si je m’en apercevais pourla première fois ; je vois clair à présent. Quand un homme estlas de l’existence, c’est l’heure pour lui de mourir, je suppose.Je n’ai plus de courage, et la mort rôde autour de moi. Elle esttoute proche, et je n’en ai plus pour longtemps… Et songez à tousles espoirs dont je bouillonnais, il y a si peu de temps encore,aux perspectives qui s’ouvraient devant moi… Tout cela étaitfactice, illusoire : il n’y avait pas de perspectives. Nous sommescomme des fourmis dans des fourmilières, au milieu d’un univers quin’a pas d’importance, qui poursuit sa route et culbute dans lenéant. New York… la destruction de New York ne me semble même plushorrible. Ce ne fut pas autre chose qu’une fourmilière ravagée parun fou. Quand on y réfléchit, Smallways… la guerre partout !Les hommes anéantissent leur civilisation avant de l’avoir achevée.Partout ils se battent et s’exterminent, partout ! Jusque dansl’Amérique du Sud, on s’entre-tue. Il n’y a pas un endroit au mondeoù l’on soit en sécurité, pas un lieu où une mère et sa fillepuissent se cacher en paix. La guerre sillonne les nuées, lesbombes tombent du ciel, dans la nuit. Les gens qui sortent le matinde leur demeure voient passer au-dessus de leur tête des flottesaériennes qui déversent la mort… qui font pleuvoir la ruine et lamort !

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