Quatre vingt-treize

LEUR VIE SOUS TERRE

 

Les hommes dans ces caves de bêtess’ennuyaient. La nuit, quelquefois, à tout risque, ils sortaient ets’en allaient danser sur la lande voisine. Ou bien ils priaientpour tuer le temps. Tout le jour, dit Bourdoiseau,Jean Chouan nous faisait chapeletter.

Il était presque impossible, la saison venue,d’empêcher ceux du Bas-Maine de sortir pour se rendre à la Fête dela Gerbe. Quelques-uns avaient des idées à eux. Denys, ditTranche-Montagne, se déguisait en femme pour aller à la comédie àLaval ; puis il rentrait dans son trou.

Brusquement ils allaient se faire tuer,quittant le cachot pour le sépulcre.

Quelquefois ils soulevaient le couvercle deleur fosse, et ils écoutaient si l’on se battait au loin ; ilssuivaient de l’oreille le combat. Le feu des républicains étaitrégulier, le feu des royalistes était éparpillé ; ceci lesguidait. Si les feux de peloton cessaient subitement, c’était signeque les royalistes avaient le dessous ; si les feux saccadéscontinuaient et s’enfonçaient à l’horizon, c’était signe qu’ilsavaient le dessus. Les blancs poursuivaient toujours ; lesbleus jamais, ayant le pays contre eux.

Ces belligérants souterrains étaientadmirablement renseignés. Rien de plus rapide que leurscommunications, rien de plus mystérieux. Ils avaient rompu tous lesponts, ils avaient démonté toutes les charrettes, et ils trouvaientmoyen de tout se dire et de s’avertir de tout. Des relaisd’émissaires étaient établis de forêt à forêt, de village àvillage, de ferme à ferme, de chaumière à chaumière, de buisson àbuisson.

Tel paysan qui avait l’air stupide passaitportant des dépêches dans son bâton, qui était creux.

Un ancien constituant, Boétidoux, leurfournissait, pour aller et venir d’un bout à l’autre de laBretagne, des passeports républicains nouveau modèle, avec les nomsen blanc, dont ce traître avait des liasses. Il était impossible deles surprendre. Des secrets livrés, dit Puysaye, àplus de quatre cent mille individus ont été religieusementgardés.

Il semblait que ce quadrilatère fermé au sudpar la ligne des Sables à Thouars, à l’est par la ligne de Thouarsà Saumur et par la rivière de Thoué, au nord par la Loire et àl’ouest par l’Océan, eût un même appareil nerveux, et qu’un pointde ce sol ne pût tressaillir sans que tout s’ébranlât. En un clind’œil on était informé de Noirmoutier à Luçon et le camp de La Louésavait ce que faisait le camp de la Croix-Morineau. On eût dit queles oiseaux s’en mêlaient. Hoche écrivait, 7 messidor an III :On croirait qu’ils ont des télégraphes.

C’étaient des clans, comme en Écosse. Chaqueparoisse avait son capitaine. Cette guerre, mon père l’a faite, etj’en puis parler.

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