XL
Cependant les retours du jeudi soir auraienteu aussi un grand charme quelquefois, n’eût été le remords de cesdevoirs jamais finis.
On me reconduisait en voiture, ou à âne, ou àpied jusqu’à la rivière. Une fois sorti du plateau pierreux de larive sud, une fois repassé sur l’autre bord, je trouvais toujoursmon père et ma sœur venus à ma rencontre, et avec eux je reprenaisgaiement la route droite qui menait au logis, entre les grandesprairies ; je rentrais d’un bon pas, dans la joie de revoirmaman, les tantes et la chère maison.
Quand on entrait en ville, par la vieilleporte isolée, il faisait tout à fait nuit, nuit d’été ou deprintemps ; en passant devant la caserne des équipages, onentendait les musiques familières de tambours et de claironsannonçant l’heure hâtive du coucher des matelots.
Et, en arrivant au logis, c’était généralementau fond de la cour que je retrouvais les chères robes noires,assises, à la belle étoile ou sous les chèvrefeuilles.
Au moins, si les autres étaient rentrées,j’étais sûr de trouver là tante Berthe, seule, toujoursindépendante de caractère, et dédaigneuse des rhumes du soir, desfraîcheurs du serein ; après m’avoir embrassé, elle flairaitmes habits, en reniflant un peu pour me faire rire, etdisait : « Oh ! tu sens la Limoise,petit ! »
Et, en effet, je sentais la Limoise. Quand onrevenait de là-bas, on rapportait toujours avec soi une odeur deserpolet, de thym, de mouton, de je ne sais quoi d’aromatique, quiétait particulier à ce recoin de la terre.