Le Roman d’un enfant

XLIII

Le lendemain de mon arrivée chez l’oncle duMidi on me présenta comme camarades les petits Peyral, quiportaient, suivant l’usage du pays, des surnoms précédés d’unarticle déterminatif. C’étaient la Maricette et la Titi, deuxpetites filles de dix à onze ans (toujours des petites filles), etle Médou, leur frère cadet, presque un bébé qui comptait peu.

Comme j’étais en somme plus enfant que mesdouze ans, – malgré ces aperçus que j’avais peut-être sur deschoses situées au-delà du champ ordinaire de la vue des petits, –nous formâmes tout de suite une bande des plus sympathiques, etnotre association dura même plusieurs étés.

Sur tous les coteaux d’alentour, le père deces petits Peyral possédait des bois, des vignes, où nous devînmesles maîtres absolus ; personne n’y contrôlait nos entreprises,même les plus saugrenues. Dans ce village en pleine campagne, oùnos familles étaient si respectées par les paysans d’alentour, onjugeait qu’il n’y avait aucun inconvénient à nous laisser errer àl’aventure.

Nous partions donc tous les quatre dès lematin, pour des expéditions mystérieuses, pour des dînettes dansles vignes éloignées ou des chasses aux papillonsintrouvables ; enrôlant même quelquefois des petits paysansquelconques, toujours prêts à nous suivre avec soumission. Et,après la surveillance de tous les instants à laquelle j’avais étéhabitué jusque-là, une liberté pareille devenait un changementdélicieux. Une vie toute nouvelle d’indépendance et de grand aircommençait pour moi dans ces montagnes ; mais je pourraispresque dire que c’était la continuation de ma solitude, carj’étais l’aîné de ces enfants qui partageaient mes jeux trèsfantasques, et il y avait des abîmes entre nous dans le domaine desconceptions intellectuelles, du rêve…

J’étais d’ailleurs le chef incontesté de latroupe ; la Titi seule avait quelques révoltes tout de suiteapaisées ; gentiment ils ne songeaient tous qu’à me faireplaisir, et cela m’allait, de dominer ainsi.

C’est la première petite bande que j’aiemenée. Plus tard, pour mes amusements, j’en ai eu bien d’autres,moins faciles à conduire ; mais, de tout temps, j’ai préféréles composer ainsi d’êtres plus jeunes que moi, plus jeunesd’esprit surtout, plus simples, ne contrôlant pas mes fantaisies etne souriant jamais de mes enfantillages.

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