Le Roman d’un enfant

XV

Je vais dire le jeu qui nous amusa le plus,Antoinette et moi, pendant ces deux mêmes délicieux étés.

Voici : au début, on était deschenilles ; on se traînait par terre, péniblement sur leventre et sur les genoux, cherchant des feuilles pour manger. Puisbientôt on se figurait qu’un invincible sommeil vous engourdissaitles sens et on allait se coucher dans quelque recoin sous desbranches, la tête recouverte de son tablier blanc : on étaitdevenu des cocons, des chrysalides.

Cet état durait plus ou moins longtemps etnous entrions si bien dans notre rôle d’insecte en métamorphose,qu’une oreille indiscrète eût pu saisir des phrases de ce genre,échangées entre nous sur un ton de conviction complète :

– Penses-tu que tu t’envolerasbientôt ?

– Oh ! je sens que ça ne sera pas longcette fois ; dans mes épaules, déjà ça se déplie… (Ça,naturellement, c’était les ailes.) Enfin on se réveillait ; ons’étirait, en prenant des poses et sans plus rien se dire, commepénétré du grand phénomène de la transformation finale…

Puis, tout à coup, on commençait des coursesfolles, – très légères, en petits souliers minces toujours ; àdeux mains on tenait les coins de son tablier de bébé, qu’onagitait tout le temps en manière d’ailes ; on courait, oncourait, se poursuivant, se fuyant, se croisant en courbes brusqueset fantasques ; on allait sentir de près toutes les fleurs,imitant le continuel empressement des phalènes ; et on imitaitleur bourdonnement aussi, en faisant : « Hou ouou !… » la bouche à demi fermée et les joues biengonflées d’air…

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