Le Roman d’un enfant

LXXVIII

Juin rayonnait. C’était le soir, l’heureexquise du crépuscule. Dans le cabinet de mon frère, j’étais seul,depuis un long moment ; par la fenêtre, grande ouverte sur unciel tout en or rose, on entendait les martinets pousser leurs crisaigus, en tourbillonnant par nuées au-dessus des vieux toits.

Personne ne me savait là, et jamais je nem’étais senti plus isolé dans ce haut de maison, ni plus tentéd’inconnu…

Avec un battement de cœur, j’ouvris ce volumede Musset :

Don Paez !…

Les premières phrases rythmées, musicales, mefurent comme chantées par une dangereuse voix d’or :

———————

Sourcils noirs, blanches mains, et, pour lapetitesse De ses pieds, elle était Andalouse et comtesse.

Quand la nuit de printemps fut tout à faitvenue, quand mes yeux, baissés bien près du volume, nedistinguèrent plus, des vers charmeurs, que de petites lignesgrises rangées sur le blanc des pages, je sortis, seul par laville.

Dans les rues presque désertes, et pas encoreéclairées, des rangs de tilleuls ou d’acacias fleuris faisaientl’ombre plus épaisse et embaumaient l’air. Ayant rabattu monchapeau de feutre sur mes yeux, comme don Paez, je marchais d’unpas souple et léger, relevant la tête vers les balcons, etpoursuivant je ne sais quels petits rêves enfantins de nuitsd’Espagne, de sérénades andalouses…

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