Le Roman d’un enfant

VII

Au printemps, à la toute fraîche splendeur demai, sur un chemin solitaire appelé : la route desFontaines…

J’ai cherché à mettre à peu près par ordre dedate ces souvenirs ; je pense que je pouvais avoir cinq anslorsque ceci se passait.) Donc, assez grand déjà pour me promeneravec mon père et ma sœur, j’étais là, un matin de rosée, extasié devoir tout devenu si vert, de voir si promptement les feuillesélargies, les buissons touffus ; sur les bords du chemin, lesherbes montées toutes ensemble, comme un immense bouquet sorti enmême temps de toute la terre, étaient fleuries d’un délicieuxmélange de géraniums roses et de véroniques bleues ; et j’enramassais, j’en ramassais de ces fleurs, ne sachant auxquellescourir, piétinant dessus, me mouillant les jambes de rosée,émerveillé de tant de richesses à ma discrétion, voulant prendre àpleines mains et tout emporter. Ma sœur, qui déjà tenait une gerbed’aubépines, d’iris, de longues graminées comme des aigrettes, sepenchait vers moi, me tirant par la main, disant :

« Allons, c’est assez, à présent ;nous ne pourrons jamais tout cueillir, tu vois bien. » Mais jen’écoutais pas, absolument grisé par la magnificence de tout cela,ne me rappelant pas avoir jamais vu rien de pareil.

C’était le commencement de ces promenades avecmon père et ma sœur qui, pendant longtemps (jusqu’à l’époquemaussade des cahiers, des leçons, des devoirs), se firent presquechaque jour, tellement que je connus de très bonne heure leschemins des environs et les variétés des fleurs qu’on y pouvaitmoissonner.

Pauvres campagnes de mon pays, monotones maisque j’aime quand même ; monotones, unies, pareilles ;prairies de foins et de marguerites où, en ces temps-là, jedisparaissais, enfoui sous les tiges vertes ; champs de blé,avec des sentiers bordés d’aubépines… Du côté de l’ouest, au boutdes lointains, je cherchais des yeux la mer qui, parfois, quand onétait allé très loin, montrait au-dessus de ces lignes déjà siplanes, une autre petite raie bleuâtre plus complètement droite, –et attirante, attirante à la longue comme un grand aimant patient,sûr de sa puissance et pouvant attendre.

Ma sœur, et mon frère dont je n’ai pas parléencore, étaient de bien des années mes aînés, de sorte qu’ilsemblait, alors surtout, que je fusse d’une générationsuivante.

Donc, ils étaient pour me gâter, en plus demon père et de ma mère, de mes grands-mères, de mes tantes etgrands-tantes. Et, seul enfant au milieu d’eux tous, je poussaiscomme un petit arbuste trop soigné en serre, trop garanti, tropignorant des halliers et des ronces…

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