L’Héroïne du Colorado

CHAPITRE VII – Le tombeau d’or

– Nous n’avons que peu de chances de lesretrouver vivants, avait dit l’ingénieur de Santa Leona.

Et miss Helen lui avait répondu :

– N’y eût-il qu’une seule chancefavorable contre un million de chances contraires, qu’il faudraitessayer encore, c’est seulement une raison d’agir plus vite et plusénergiquement.

– Miss Helen, avait répondu l’ingénieur,j’admire votre résolution et je vous jure que si cela ne dépend quede moi et de mes hommes, nous réussirons.

Stimulés par la présence de la jeune fille,par les encouragements et les promesses qu’elle leur prodiguait,les mineurs s’étaient mis à l’œuvre avec une véritable furie.

Sous leurs efforts, la terre et les rocssemblaient fondre pour ainsi dire à vue d’œil.

Grâce à un vieux plan de la mine que lui avaitprocuré miss Helen, grâce aussi aux indications du contremaître,l’ingénieur avait pu repérer exactement l’endroit où l’éboulements’était produit, l’endroit où devaient se trouver les deuxensevelis vivants.

Au bout d’un quart d’heure, une excavationprofonde avait été pratiquée et bien que la couche de sable et deterre eut été dépassée, le travail continuait à avancerrapidement.

– Pour une fois, expliqua lecontremaître, nous avons de la chance, nous sommes tombés sur unecouche de schiste dont les minces feuillets s’écrasent sous lapioche.

« Si nous ne rencontrons pas une roched’un grain plus serré, avant une heure nous aurons crevé la voûtede la galerie.

– Mes amis, s’écria miss Helen,s’adressant à tous les travailleurs, je promets de vous récompensertous magnifiquement, si nous réussissons et même si, par malheur,nous arrivons trop tard, vous serez indemnisés largement de votrepeine.

Et elle allait de l’un à l’autre, lesexhortant, les suppliant même, leur communiquant à tous le noblezèle dont elle était animée.

Tout à coup, un des mineurs poussa un cri desurprise et appela ses camarades.

Sa pioche au-dessus de la couche schisteusevenait de rencontrer le vide.

L’ouverture fut rapidement agrandie et tous sepenchèrent anxieusement vers la margelle béante de ce puits deténèbres, au fond duquel gisaient deux créatures humaines.

Miss Helen demeura un instant surprise de cerésultat si rapide :

– Ne m’aviez-vous pas annoncé, dit-elle àl’ingénieur, qu’il faudrait encore deux ou trois heures d’un durtravail avant d’arriver à la voûte.

– J’avais dit l’exacte vérité, missHelen, mais nous avons eu le bonheur inouï d’aboutir à une faille,à une crevasse, nous aboutirons infailliblement dans la galerie oùse trouvent, d’après vos indications, M. Hamilton etM. Storm.

– Alors je vais y descendre à l’instantmême.

– Vous, miss Helen ?…

– Oui ! Aucun de vos hommes, sibraves soient-ils, ne saurait descendre le long des paroishérissées d’aspérités, le long de ces rocs tordus par l’explosion.Pour moi, dont vous n’ignorez sans doute pas les exploitsacrobatiques, cette descente n’est qu’un jeu.

– Alors, répondit respectueusementl’ingénieur, nous allons au moins prendre des précautions pour quevous ne courriez que le minimum de danger et que la mine ne fassepas une victime de plus.

– Voici ce que je vous demande, vousm’attacherez avec une corde à la ceinture et je tiendrai en mainune autre corde que vous remonterez à la moindre secousse dès quej’aurai attaché le corps d’un de nos amis.

– Prenez garde, miss Helen ; en vousaventurant dans cette atmosphère méphitique, vous risquez de tombervous-même asphyxiée.

– Si j’éprouve un malaise, je secoueraila corde et vous me remonterez, mais je vous en supplie,hâtons-nous, les minutes sont des heures pour ces malheureux quiagonisent au fond de leur tombeau de pierre.

On obéit à la jeune fille avec empressementet, retenue par la corde que maintenaient deux vigoureux mineurs,elle se laissa glisser dans l’ouverture béante.

Quelques mètres plus bas, elle put prendrepied sur une saillie du roc et la périlleuse descente commença.

Il y avait des corniches de roc où elle avaità peine la place de poser le pied, mais qui pourtant luifournissaient un point d’appui.

À mesure qu’elle descendait, l’atmosphèremortelle du fond montait vers elle et elle respirait avec plus dedifficulté, mais elle dominait le malaise qui l’envahissait, bienque le bourdonnement du vertige commençât à chanter à ses oreillessa chanson de mort.

Enfin, elle atteignit le fond du puits, sespieds foulèrent le roc qui formait le sol de la galerie.

La lampe dont elle s’était munie, illumina laparoi de quartz qui lui apparut dorée comme le lambris d’un palais,elle ne s’arrêta pas à cette constatation. Elle alla droit aux deuxcorps qu’elle voyait gisants sur le sol, et sans calculer, sansréfléchir, d’un geste inconscient elle s’élança vers George Storm,l’attacha solidement sous les aisselles avec la corde dont elles’était munie et le traîna juste au-dessous de l’orifice où le cieln’apparaissait plus que comme une grosse tache bleue.

Frénétiquement, elle secoua la corde.

Le corps de George fut remonté jusqu’auxrégions supérieures.

À ce moment, un personnage qui venait dedescendre d’une somptueuse auto et qui n’était autre que FritzDixler se mêla au groupe des mineurs et murmura d’un ton decompassion hypocrite :

– Pauvre M. Storm !… il estmort hélas !…

Le médecin, qui en ce moment même examinait lemécanicien, se releva brusquement.

– Non, monsieur Dixler, fit-il non sansironie, M. George Storm est parfaitement vivant, et je vousgarantis que d’ici peu, quand je lui aurai prodigué les soinsqu’exige son état, il sera sur pieds, prêt à vous remercier del’intérêt que vous prenez à sa santé.

Tous les mineurs connaissaient l’animosité quiexistait entre Dixler et la Central Trust, un gros rire courutparmi les groupes.

Dissimulant sa colère et son désappointement,l’Allemand s’était retiré à l’écart en affectant une attitudepleine de dignité.

C’est ainsi qu’il put assister au retour à lalumière, puis au retour à la vie de l’ingénieur Hamilton que missHelen, après s’être reposée quelques minutes, était allée chercherà son tour au fond du gouffre.

Il vit miss Helen et George s’embrasser, seserrer les mains, en échangeant les plus douces promesses.

L’Allemand faisait les plus grands effortspour cacher sa fureur et pour se consoler lui-même de sadéconvenue.

– Tout cela n’empêche pas, se disait-il,comme fiche de consolation, que je leur ai vendu pour plus de deuxmillions de dollars une mine qui ne renferme certainement pas unkilogramme d’or.

Mais George et Hamilton l’avaient aperçu. Ilsse dirigèrent vers lui :

– Monsieur Dixler, dit miss Helen,permettez-moi de vous remercier, en mon nom et au nom de mes amis,de l’excellente affaire que vous nous avez fait conclure.

Dixler rougit jusqu’aux oreilles.

– Oui, oui, balbutia-t-il avec effort, lamine !

– Vous êtes trop modeste, cher monsieurDixler, c’est un véritable cadeau que vous avez fait à la CentralTrust, nous venons de découvrir une poche d’or que l’on peutévaluer, selon l’appréciation la plus modeste, à cinq millions dedollars !

Un rictus de haine se dessina sur les traitsde l’Allemand, si furieux qu’il ne trouva pas un mot à répondre. Ils’enfuit en serrant les poings et en grinçant des dents, poursuivipar les huées des mineurs, tandis que George Storm et miss Helenallaient rejoindre l’ingénieur Hamilton, maintenant complètementremis de la terrible épreuve qu’il venait de traverser.

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