L’Héroïne du Colorado

CHAPITRE II – L’auto volée

Il nous faut maintenant, pour la clarté de cerécit, revenir de quelques chapitres en arrière.

Nous retrouvons Helen Holmes, Hamilton etSpike, l’ancien forçat, près des débris du wagon incendié quiachevaient de se consumer au pied même du pont où avait eu lieu ledéraillement providentiel causé par George.

Spike était maintenant complètement revenu àla vie et remerciait chaleureusement ses sauveurs.

– Non, balbutiait-il, miss Helen,monsieur Storm, jamais je n’oublierai ce que vous avez fait pourmoi !… Vous pouvez me demander n’importe quel service…Ah ! si je n’étais pas dans les griffes de Dixler qui connaîttout mon criminel passé.

– Nous tâcherons de vous arracher auxgriffes du monstre, fit galamment la jeune fille. Vous avez pu voirqu’avec nous, il n’a pas toujours le dessus dans la lutte.

– Il n’a qu’à bien se tenir, ajoutaGeorge Storm ; tout Allemand qu’il est, il trouvera à quiparler.

Hamilton s’était approché.

Depuis quelques instants, il paraissaitpréoccupé.

– Il m’arrive un ennui très grave,déclara-t-il brusquement. Mes contrats les plus importants, ceuxque j’ai signés avec la municipalité de Las Vegas se trouvaientdans le wagon qui vient de brûler. Dixler serait enchanté s’ilpouvait savoir cela.

– Que voulez-vous dire ?

– Les originaux sont en cendre, reprit lajeune fille, mais il en existe un double à la mairie de Las Vegas.Le greffier peut parfaitement vous en délivrer un duplicata.

– Je n’avais pas pensé à cela, murmural’ingénieur en poussant un soupir de soulagement.

– C’est pourtant bien simple.

– Il faut vous rendre sans perdre uninstant à Las Vegas, dit George, et demander ces duplicata. SiDixler savait que les contrats sont brûlés, il serait capabled’inventer quelque nouvelle machination.

Tout le monde comprit l’opportunité de ceconseil et l’on remonta dans l’auto qui avait amené Helen etHamilton.

Cette auto, si l’on s’en souvient, appartenaità Dixler, mais dans sa hâte de voler au secours de ses amis, Helens’en était emparée sans attacher à ce fait aucune importance.

L’ingénieur Hamilton réfléchissait.

– Nous ne sommes guère qu’à une dizainede milles de nos chantiers et de l’endroit où s’élevait la maisonde Mick Cassidy. C’est là que nous allons d’abord nous rendre. Mesouvriers doivent se demander ce que je suis devenu.

– Comme il vous plaira, dit Helen ;le chantier, d’ailleurs, est sur la route de Las Vegas.

L’auto filait maintenant en troisième vitesseà travers la plaine désolée couverte d’un gazon déjà desséché desauges amères et de petits yuccas rabougris.

L’horizon était borné de toutes parts par uncercle de collines dénudées qui inspiraient au paysage un aspect demorne désolation.

– On dirait, dit pensivement miss Helen,une de ces perspectives lunaires que nous a révélées laphotographie astrale.

– Sans doute, répondit l’ingénieur, maisavec le rail accélérateur, vous verrez cette contrée changerd’aspect.

« Les forêts incendiées par les PeauxRouges et les prospecteurs couvriront de nouveau les collines, laplaine se couvrira de riches moissons, de jardins verdoyants oùmûriront tous les fruits.

– N’oublions pas Dixler, interrompit toutà coup Spike, jusqu’alors silencieux.

– Je ne l’oublie pas, répondit missHelen, mais je crois que pour l’instant il n’a pas la partiebelle.

Tout en devisant, ils avaient atteint lechantier où déjà la voie nouvelle allongeait ses rails étincelantssous l’emplacement même de la cabane de l’Irlandais.

– Il va falloir que je reste au chantier,au moins pendant quelques heures, expliquait l’ingénieurHamilton.

– Votre présence n’est pas indispensable,dit George, vous donnerez un mot à miss Helen pour le greffier, etje l’accompagnerai à Las Vegas.

– Il faut que je ramène l’auto de Dixlerà Las Vegas.

Les contrats qui prouvent mon droit depassage ont disparu dans un incendie.

Je vous prie de remettre au porteur unecopie authentique de ces contrats.

Votre dévoué, HAMILTON.

– Voilà qui est parfait, dit miss Helenen prenant la lettre ; alors à ce soir, car je suppose quevous viendrez nous rejoindre à Las Vegas sitôt votre besogneterminée.

– C’est entendu.

Ils remontèrent en auto et se lancèrent denouveau dans l’immensité de la plaine déserte ; trois quartsd’heure après, ils entraient dans la ville.

Pour traverser les rues étroites du faubourgtoujours encombrées, ils ne remarquèrent pas qu’un individu à lamine sournoise les considérait avec étonnement, puis relevaitsoigneusement sur un carnet le numéro de la voiture.

L’inconnu, un Allemand, nommé Otto, n’étaitautre qu’un des nombreux agents qui, plus ou moins ouvertement,agissaient pour le compte de Dixler. Otto alla en toute hâteavertir son patron.

– Savez-vous ce que je viens de voir,bégaya-t-il tout essoufflé ! Helen Holmes, le mécanicien etSpike, installés tous les trois dans votre auto !

– Tu es sûr de ce que tuannonces ?

– J’ai même relevé le numéro.

– Très bien ! Ils vont, sans doute,faire halte au numéro 3 de la Septième Avenue. C’est là qu’habitele mécanicien. Je ne suppose pas qu’ils aient voulu me voler mavoiture, mais je vais quand même essayer de leur causer quelquesennuis.

Il donna quelques indications à Otto quipartit en courant dans la direction de la Septième Avenue, etlui-même réquisitionna le premier agent qu’il rencontra enbourgeois. Il emmenait, et pour cause, tous ceux de Las Vegas, enexpliquant qu’on lui avait volé une automobile, dont il donnait lenuméro, et qu’on la retrouverait très probablement en face dunuméro 3 de la Septième Avenue.

Cette machination, si rapidement éclose dansla diabolique cervelle de Dixler, faillit avoir tout le succèsqu’il en attendait.

La circulation des piétons et des véhiculesest très active à Las Vegas. La lenteur avec laquelle avançaitl’auto, pilotée par Spike, permit aux argousins de l’Allemand, quiavaient pris par le plus court chemin, d’arriver assez à temps pourvoir la voiture stopper à l’entrée de la Septième Avenue.

Pour la circonstance, Otto avait jugénécessaire de s’adjoindre un second, un certain Frick, autreAllemand, également stipendié par Dixler.

Au moment où l’auto venait de stopper, Otto etFrick interpellèrent grossièrement miss Helen et ses amis.

– Monsieur ! voilà l’auto deM. Dixler, criaient-ils, les voleurs vont êtrepinces !

– Arrêtez-les ! au voleur !

Spike, furieux de cette aventure où il croyaitreconnaître la manière de Dixler, était descendu de voiture, ainsique miss Helen et George.

– Que désirent ces coquins-là, s’écriaGeorge Storm, en serrant les poings. C’est eux que je vais fairearrêter, après leur avoir administré une belle volée.

– Je reconduis cette auto chezM. Dixler, protesta Spike, assez peu rassuré au fond,laissez-moi tranquille.

– Nous allons te conduire au poste, hurlaFrick. Et il saisit Spike au collet.

L’ex-forçat se débattait comme un beaudiable ; il n’ignorait pas qu’une fois arrêté, il seraitfacilement identifié et, sans nul doute, renvoyé au pénitencier,d’où il s’était évadé, perspective qui, pour lui, n’offrait pas lemoindre attrait.

– Il ne faut pas laisser arrêter Spike,dit Helen, il est visible que c’est encore là une machination denotre ennemi.

George Storm, qui, nous avons eu déjàl’occasion de le constater, était d’une vigueur peu commune,s’avança entre les combattants et n’eut pas de peine à faire lâcherprise à celui qui avait empoigné Spike.

– Tâchez de disparaître au plus vite,dit-il aux deux Allemands, sinon, c’est à moi que vous allez avoiraffaire.

À ce moment un homme sortit de la foule quicommençait à s’attrouper et s’avança vers George, c’était l’agentréquisitionné par Dixler.

– J’appartiens au Police Office,déclara-t-il, cette voiture a été volée, je vais conduire au postetous ceux qui la montent.

– Je suis miss Holmes, dit simplementHelen, je suppose que l’on ne va pas me faire l’injure dem’arrêter. Il en coûterait cher à celui qui commettrait unepareille chose.

L’Héroïne du Colorado était très populaire àLas Vegas. Un murmure désapprobateur s’éleva de la foule, etl’agent, qui d’ailleurs se rappelait avoir déjà vu la jeune fille,perdit beaucoup de son assurance.

– J’affirme, continua la jeune fille, quecette voiture n’a pas été volée et je vais en fournir la preuve, etelle raconta brièvement les faits que le lecteur connaît déjà.

L’agent comprit qu’il avait fait fausse routeet se retira, après s’être excusé. Puis il alla rejoindre Dixlerqui l’attendait à l’angle d’une rue voisine.

– Vous n’êtes pas malin, mon garçon, fitl’Allemand, après avoir entendu le récit de l’homme de police.

– Je ne pouvais cependant pas, protestal’autre, arrêter miss Holmes qui est connue et respectée detous.

– C’est bon, je vous remercie de votrebonne volonté, voilà un dollar pour vous indemniser dudérangement.

Et il ajouta très haut :

– On m’emprunte ma voiture pendant unedemi-journée et vous allez voir que c’est moi qui vais être obligéde faire des excuses !

C’est sur Spike que tomba toute sacolère ; il l’accabla d’injures et de menaces.

– Décidément, lui dit-il, dès qu’ill’aperçut, tu as partie liée avec mes ennemis, tu séjourneras aubagne, je te le promets.

Spike se défendait de son mieux.

– Ce qui arrive n’est pas de ma faute,protestait-il. Je ne pouvais pourtant pas refuser l’usage de l’autoà ceux qui venaient de me sauver la vie. Vous en auriez fait autantà ma place !

Spike raconta alors, avec un grand luxe dedétails, comment il avait été à demi assommé par les ouvriers,sauvé par George et Hamilton et finalement par miss Helen.

L’ex-forçat ne manquait pas, quand il voulait,d’une certaine éloquence persuasive, et cette fois il exprimait lesfaits tels qu’ils s’étaient passés ou à peu près.

Dixler finit par se laisser convaincre.

– Pour une fois, grommela-t-il, je croisque tu n’as pas menti. Mais tu es un imbécile. Il fallait remontertout seul dans l’auto et laisser Hamilton, Helen et George en pleindésert. Leur absence aurait singulièrement facilité certains de mesprojets. N’importe. Je te pardonne pour cette fois, mais n’yrevient plus et tâche de me prouver que tu es bon à quelquechose.

– Ma bonne foi est si grande,déclara-t-il, avec une feinte naïveté, que je vais vous proposerune chose. Je sais où sont en ce moment miss Helen et GeorgeStorm.

– Eh bien ?

– Nous allons les trouver ensemble, etils vous certifieront eux-mêmes la vérité de ce que je vous aiannoncé.

Dixler ne put s’empêcher de sourire.

– C’est une idée originale, dit-il. Ehbien ! j’accepte. Je ne suis pas fâché de savoir ce qu’ilsvont me répondre, quand je leur demanderai de quel droit ils ontusé les pneus de ma voiture et dépensé mon essence.

– Je vais vous conduire, dit Spikesimplement, c’est au numéro 3 de la Septième Avenue.

Cinq minutes plus tard, Spike et Dixlerfaisaient halte en face d’une maison d’apparence sérieuse et grave.C’est là que se trouvait le logement de George Storm.

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