L’Héroïne du Colorado

CHAPITRE VII – La vengeance de missHelen

Pendant que George Storm s’éloignait avec sontrain de la gare du Signal, vers laquelle, dans le même temps, leconstable Topping et ses cavaliers se dirigeaient à bride abattue,la bataille avait continué sur les chantiers. Mais les deux partiscommençaient à éprouver une certaine lassitude qui alla enaugmentant, dès que Dixler, qui avait réussi à se dégager, eutconstaté le départ du train, en même temps que la disparition deSpike.

Peu de temps après, d’ailleurs, une galopadefurieuse ébranlait le sol et le constable et les policemenentraient en scène.

Les partisans de Dixler ne se trompèrent passur l’identité des nouveaux venus, dont les feutres mexicainsétaient remarquables de très loin. Ce fut un cri général.

– Le constable !Sauve-qui-peut !

En un clin d’œil, Dixler et sa troupe eurentdisparu et M. Topping qui, d’abord, avait commencé le« Haut ! les mains ! », fut un peu désappointé,quand il s’aperçut qu’il n’avait plus devant lui, que Hamilton etses ouvriers.

– Dixler et sa bande se sont envolés àvotre approche, expliqua l’ingénieur ; quant aux traverses,elles sont, pour l’instant du moins, hors de l’atteinte de nosadversaires.

– Pas tant que vous le croyez, répliquaM. Topping, après un moment de réflexion. Vous oubliez queGeorge Storm ne peut aller très loin ; quand il arrivera aucroisement des grandes voies, il sera obligé de garer sontrain.

– Je n’avais pas songé à cela…

– Mais, interrompit M. Topping, oùest miss Holmes ?

– Elle a suivi George et je viensd’apprendre que Spike, le forçat évadé, s’est lancé à sapoursuite.

– Et nous venons de voir Dixler et sabande, filer dans la même direction, reprit le constable, qui avaitl’habitude des promptes décisions.

« Nous trouverons en arrivant miss Helenet George Storm assassinés et les traverses… Allons, vite, enselle, si nous voulons arriver à temps !…

Comme toute cette délibération que nous nefaisons que résumer ici, avait duré une demi-heure, pendant cetemps la bande que commandait Dixler avait pris de l’avance.

On repartit donc en toute hâte, et cette fois– sur le conseil de Hamilton – en suivant la voie ferrée, car laplaine était dans ces parages, sillonnée de ravins, de puits, demines et d’excavations qui auraient retardé la marche deschevaux.

George et miss Helen, immobilisés sur leurtrain, attendaient avec une vive impatience qu’on vînt à leursecours, ou tout au moins qu’on leur apportât des nouvelles de labataille.

– Si je croyais que le combat a pris fin,dit George Storm, je ferais machine en arrière et nous regagnerionsla gare du Signal.

« Le constable doit être arrivé sur leslieux, je crois pourtant qu’il est plus prudent d’attendre.

« Je vais monter à la cabined’observation où se tient d’ordinaire le chef de train. Je viendraivous dire si je n’ai rien aperçu de suspect à l’horizon.

George escalada la plate-forme du wagon surlaquelle Spike, attaché à sa roue, grinçait des dents et se tordaitdans ses liens, puis Helen le vit redescendre précipitamment uninstant après :

– Que se passe-t-il donc ? demandala jeune fille, vous avez l’air consterné.

– Cette fois, nous sommes perdus, unetroupe nombreuse, que j’ai parfaitement reconnue pour être celle deDixler, s’avance vers nous en suivant la voie. Ils seront ici dansdix minutes.

– Prenons la fuite, avant qu’ils soientarrivés.

– Il n’est plus temps, nous serionsaperçus et traqués. Les deux jeunes gens se regardèrent avecangoisse, la situation leur paraissait désespérée.

Déjà, ils entendaient les cris de joie quepoussaient les gens de Dixler, à la vue du train.

George demeurait silencieux, la main serréesur la crosse de son browning, le front crispé par l’effort del’attention. Enfin il releva la tête, le visage presquesouriant.

– Je vais essayer pour les repousser,dit-il à miss Helen, d’un moyen assez bizarre, mais qui, à ce qu’onm’a affirmé, a souvent été employé avec succès contre lesIndiens.

– Si vous pouvez réussir ! murmurala jeune fille, qui au fond ne conservait plus grand espoir.

– Vous allez voir ; il estindispensable que nous laissions ces bandits s’approcher le plusprès possible de la locomotive.

– Vous savez que je ne suis paspeureuse…

Quelques minutes plus tard, Dixler et sa bandese ruaient en poussant des cris de triomphe, vers lalocomotive ; alors, au moment où ils allaient en escalader lemarche-pied, un sifflement aigu retentit. George venait d’ouvrirles purgeurs de la machine.

Aveuglés, ébouillantés par deux jets de vapeurbrûlante, les bandits s’enfuyaient en hurlant. Dixler lui-même,cruellement échaudé, ne se sentait plus le courage de tenter unnouvel assaut. D’ailleurs, personne n’eût voulu le suivre.

Les bandits s’étaient retirés à distancerespectueuse de la machine, et là, ils tenaient conseil, quand lespolicemen de M. Topping apparurent au détour de la voie.

Ce fut un désarroi général.

Devant les revolvers braqués sur eux, lesbandits, sans en excepter Dixler, levèrent les mains et serendirent à discrétion. On les désarma, et on regagna promptementla gare du Signal. Là, on fit descendre les prisonniers.

Le constable qui avait une grande habitude deces sortes de bagarres, avait déjà pris une décision.

– Je vais, dit-il à Hamilton, qui avaitrejoint Helen et George, remettre en liberté les travailleurs, qui,somme toute, n’ont fait qu’obéir à leur patron.

– Il est certain, approuva l’ingénieur,qu’ils ne s’imaginaient sans doute pas se rendre complices d’un volà main armée. Mais il y a deux coquins que je vous conseille demettre sous les verrous, c’est Spike et Dixler.

– Oh ! ceux-là !… Alors,M. Hamilton, vous déposez une plainte contre eux, entre mesmains.

Miss Holmes partit d’un franc éclat derire.

– Mon cher ami, dit-elle à l’ingénieur,je vous propose ma vengeance bien plus amusante. Ne portez pasplainte contre ces deux gredins.

– Comment cela ! fit l’ingénieuravec surprise.

– Non, à votre place, je leur feraisgrâce pour cette fois, mais à cette condition qu’ils déchargenteux-mêmes les traverses qu’ils voulaient nous voler.

Le constable eut un sourire approbateur.

– Miss Holmes a raison, étant donnée lafaçon dont l’affaire se présente, Dixler arguera de sa bonne foi.Les rixes du genre de celle qui vient de prendre fin sontfréquentes dans les chantiers.

– Oui, fit George, et Dixler commencerapar déposer caution, nous n’aurons même pas la satisfaction del’avoir gardé quelques jours en prison.

– Alors, c’est entendu, dit gaiement leconstable, j’avoue que cela va m’amuser de voir l’orgueilleuxAllemand condamné à jouer le rôle de docker.

*

**

Dixler et Spike, la rage au cœur, durent sesoumettre et ils commencèrent immédiatement à décharger les lourdespièces de bois. Dixler avait d’abord opposé une énergiquerésistance, puis sur la menace d’être lynché par les hommes deHamilton, il se résigna à obéir.

Tout en accomplissant ainsi, la sueur aufront, le dur labeur qui lui était imposé, il jetait sur le groupeque formaient ses adversaires, au centre du chantier, des regardschargés de haine. Comme Helen passait auprès de lui, insoucieuse etsouriante, il lui dit à demi-voix :

– Si vous avez gagné la partie, cettefois-ci, miss Helen Holmes, vous n’aurez pas toujours autant dechance, je vous jure que j’aurai ma revanche, une sanglante etterrible revanche. L’humiliation que vous m’imposez aujourd’huivous coûtera cher.

La jeune fille haussa les épaules avec unemoue dédaigneuse :

– Vous savez bien, Dixler, dit-elle, queje ne vous crains pas.

Jusqu’ici, vous n’avez pas été le plus fort.Et sans même abaisser son regard vers l’Allemand, fou de colère etde rage, elle alla rejoindre ses amis.

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