L’Héroïne du Colorado

CHAPITRE VII – La chasse aux bandits

Suivie de Dixler, de George Storm, deRhinelander, du chauffeur Joë et de toutes les personnes présentes,miss Helen s’était élancée vers la gare. C’était la seule directionqu’eussent pu prendre les fuyards. De nombreuses traces de pas, desarbustes brisés dans les massifs ne permettaient d’ailleurs aucundoute à cet égard.

À la station on recueillit de nouveauxrenseignements. Il faisait maintenant grand jour et les employés dela gare prétendaient avoir vu un quart d’heure auparavant desombres suspectes rôder autour du train même qu’avait conduit Georgeet qui stationnait sur une voie de garage.

Le train fut fouillé de fond en comble sansamener aucune découverte.

À ce moment un homme d’équipe accourut enfaisant des signes désespérés.

– Je suis sur la piste, expliqua-t-il,les gredins se sont emparés d’une locomotive en stationnement et cesont eux que vous apercevez là-bas au tournant de la voie.

– Il faut les rejoindre à tout prix,déclara miss Helen.

– Voici une machine qui est plus rapideque celle qu’ils ont volée, dit George. Montons-y tous. Je mecharge de les rattraper. Le tender est plein de charbon, ils n’enont certainement pas autant.

Le conseil du mécanicien fut aussitôt suivi.Tout le monde, y compris miss Helen et deux policemen, prit placesur la locomotive, qui bientôt brûla le rail à une effarantevitesse.

– Nous gagnons un peu de terrain, fitremarquer George Storm au bout d’une demi-heure de poursuite, maisil y aurait peut-être un moyen plus rapide. Nous sommes sur la mêmevoie et nous nous exposons à une collision. C’est à un mille d’icique la voie bifurque. Nous allons nous engager sur la voieparallèle.

Spike et Lefty, qui de loin adressaient dehideuses grimaces à leurs poursuivants, eurent un ricanement dejoie en voyant que la locomotive qui leur donnait la chasse fairemachine arrière, pendant que miss Helen descendait et manœuvrait àl’aiguille.

Leur joie fut de courte durée.

Sitôt que George vit sa machine sur la secondevoie et qu’il n’eut plus de collision à redouter, il ouvrit toutgrand le robinet d’adduction de la vapeur et bientôt la distanceentre les locomotives diminua.

Maintenant on distinguait très nettement laface ricanante de Spike, la face stupide de Lefty.

Les deux bandits avaient beau bourrer lefourneau de combustible, la distance diminuait de plus en plus.

– Je vais toujours en démolirquelques-uns, hurla Spike en grinçant des dents.

Et il mit en joue miss Helen avec un énormebrowning.

Pendant quelques minutes, les ballescrépitèrent comme une grêle sur les tôles de la machine.

George et le policeman ripostèrent avec cettedifférence qu’ils étaient beaucoup mieux pourvus de cartouches queceux qu’ils poursuivaient.

Il vint un moment où les bandits furent àcourt de munitions. D’ailleurs, on n’apercevait plus Lefty. On sutplus tard qu’il avait été tué d’une balle en plein cœur.

Spike se vit perdu. Le feu baissait sous sachaudière, son charbon tirait à sa fin, et ses ennemis l’avaientpresque rejoint.

Il vint un moment où les deux locomotives setrouvèrent côte à côte.

– Il faut le prendre vivant, s’écria missHelen, à cause du plan. Sans savoir si quelqu’un l’accompagnait,elle avait bondi de la locomotive sur la toiture du tender et de làsur l’auto-machine et elle était tombée à l’improviste sur Spike,auquel elle cherchait à arracher le plan.

Le misérable luttait désespérément, roulantautour de lui des yeux égarés, pareil à une bête fauve traquée dansson repaire.

Enfin d’un suprême effort il se dégagea etsauta dans le vide.

La voie en cet endroit, traversait un immensemarécage, à travers lequel on avait jeté un pont. Spike avait assezbien calculé son élan pour savoir qu’en cet endroit il ne risquaitpas de se tuer. Et il n’avait pas lâché le plan du tunnel desmontagnes du Diable.

En tombant du haut du pont, Spike était venus’enfoncer dans la vase du marécage que surmontaient d’épaisbouquets de roseaux.

Un instant il pensa que ces roseaux luipermettraient d’échapper à ses ennemis. Une seconde de réflexionlui fit comprendre qu’on aurait vite fait de le retrouver. Iln’avait pas assez d’avance pour dépister ceux qui lepoursuivaient.

Alors, dans sa cervelle exaspérée, une autreidée lui apparut.

On me prendra si on peut, réfléchit-ilrapidement, mais on n’aura pas le plan, et grâce au plan, j’auraides droits à la reconnaissance de Dixler et des autres.

Ce projet parut au bandit trop judicieux pourn’être pas mis immédiatement à exécution.

Fébrilement, il déplaça une motte de gazon aupied d’une des piles, creusa dans la terre molle un trou avec sesongles, y fourra le plan soigneusement roulé, puis remit la mottede gazon à sa place et se tapit dans les roseaux, retenant sonhaleine, immobile comme une statue.

Les événements prouvèrent à Spike qu’il avaitraison de ne pas se bercer du chimérique espoir d’une évasion.

Quelques minutes après, ses ennemis étaientsur ses traces.

– Par ici, criait Helen ; il est parici, les roseaux sont foulés.

En un clin d’œil, le bandit fut cerné, dixpoings menaçants s’abattirent sur lui et bientôt il fut solidementappréhendé.

Non sans l’avoir gratifié de quelques horions,il fut hissé sur le pont et on le fit monter dans la locomotive quiavait servi à sa capture et qui reprit à toute vapeur le chemin deCedar Grove.

Là on le descendit du train avec le mêmecérémonial et on le conduisit à la villa où les magistrats devaientl’interroger, après avoir fait les constatations d’usage.

Sur un signe imperceptible de Dixler, qui, onle sait, avait assisté à toutes les péripéties de cette dramatiquecapture, Spike avait fini de se débattre et de hurler, et pendantun instant, au milieu de la foule qui remplissait le vestibule dela villa, les policemen chargés de sa surveillance, cessèrent unmoment de s’occuper de lui.

Sans affectation, Dixler s’était approché.

Alors Spike fit signe à son complice deregarder une de ses manchettes et celui-ci put lire ces quelquesmots, tracés au crayon :

« Ai enfoui plan tête du pont, marque21. »

L’Allemand eut un diabolique sourire. D’unimperceptible signe, il fit comprendre à Spike que tout irait bienet que ses protecteurs ne l’abandonneraient pas.

Le bandit, dès lors, se tint tranquille etrépondit docilement aux questions qui lui furent posées.

Par exemple, quand on lui demanda ce qu’ilavait fait du plan, il prit son air le plus stupide.

– Quand j’ai vu que j’allais être pris,déclara-t-il, je l’ai jeté dans le fourneau de la locomotive.

On ne put tirer autre chose de lui. Dixlertriomphait.

– Maintenant, songeait-il, je crois bienque nous avons gagné la partie. Le général mort, le plan disparu,la Central Trust ne vaut plus grand-chose et nous n’aurons pasgrand-peine, je crois, à nous en rendre acquéreur.

En prenant une physionomie de circonstance, ilalla se joindre à la foule des amis qui avaient pénétré dans lachambre mortuaire où était exposé le corps du général Holmes.

Maintenant qu’elle avait arrêté ceux quiavaient causé la mort de son père, miss Helen sentait toute sonénergie l’abandonner.

Elle allait à présent, pouvoir se donner toutentière à sa douleur.

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