L’Héroïne du Colorado

CHAPITRE V – Un combat à toutevapeur

Batchelor et Carrey étaient en train dedécharger les sacs de minerai qu’ils avaient amenés dans unecarriole attelée de deux solides chevaux du Texas, sans se presser,en bons ouvriers qui savent qu’on ne doit pas « s’enfaire », ils transportaient les sacs de la voiture au wagon,avec une sage lenteur.

Quand le dernier sac fut bien rangé dans lefourgon, Batchelor dit à Carrey :

– Dis donc ! Carrey, si on allaitjusqu’à la cantine boire un coup.

– Ça ! c’est une jolie idée,Batchelor, car il fait un damné soleil. Puis l’homme ajouta, en segrattant la tête.

– Mais qui est-ce qui va garder le wagonpendant que nous ne serons pas là ?

– Il se gardera bien tout seul.

– Il ne s’envolera pas ?

– On le volerait plutôt… « Mais qui,imbécile ?

– Ça, c’est bien vrai. Allons !

Les deux mineurs n’allèrent pas loin,bousculés, assommés de coups de poings, ils s’écroulèrent sur lavoie.

Quand ils voulurent se relever, deux revolversétaient braqués sur eux, et c’étaient Bill et Dock qui les tenaienten joue.

Affolés, Batchelor et Carrey n’avaient pasencore eu le temps de comprendre ce qui leur arrivait, qu’ilsétaient soigneusement liés par les deux bandits, qui, après s’êtreassurés de la solidité des cordes qui garrottaient leurs victimes,ne s’en occupèrent plus et commencèrent à enlever du wagon lessacs, et à les porter dans l’auto amenée à quelque distance.

Cependant Batchelor, en se tortillant, avaitpu se traîner à côté de Carrey.

– Dis-donc, vieux, murmura-t-il à sonoreille, voilà un sale coup.

– Sans compter qu’on dira que nous sommescomplices.

– Écoute un peu, voir, tu as de bonnesdents ?…

– Pas mauvaises ! merci.

– Eh bien ! tâche de te glisserderrière mon dos et ronge la corde qui me serre les poignets ;une fois libre, je prends ma carabine dans le fourgon, et je faispayer cher la petite plaisanterie de tout à l’heure aux deuxlascars qui nous ont surpris.

– Ça, c’est une idée, Batchelor. Attends,on va essayer.

Bientôt Carrey put se glisser derrière le dosde son camarade et commença à entamer à coups de dents les liensqui tenaient Batchelor prisonnier.

Dock en était à son vingtième sac, quand uneballe lui enleva son chapeau, presque en même temps un coup de feuclaquait tout proche.

Bill, qui était de l’autre côté de l’auto,poussa un cri de rage.

– Gare à toi ! Dock, voilà notreimbécile détaché. Une seconde balle vint frapper les toiles de lavoiture.

C’était Batchelor qui, aussitôt libre, avaitcommencé le feu contre ses agresseurs.

Mais maintenant Bill et Dock ripostaient àcoups de revolver, et bientôt Batchelor s’aperçut qu’il n’avaitplus de cartouches.

– Tu ne vas donc pas me détacher, hurlaitCarrey qui se tortillait toujours sur les rails.

– Ah ! mon pauvre homme, j’ai bienautre chose à faire, gémissait Batchelor, qui détalait à toutevitesse, poursuivi par Bill et Dock, qui continuaient à tirer.

Mais les bandits n’allèrent pas bien loin.

– Dis donc, vieux, tu n’as pasl’intention de courir comme ça jusqu’au camp ? dit Bill.

– Tu parles…

– Alors, détalons… d’autant plus quevoilà le train de ravitaillement qui s’amène.

Dans le lointain, en effet, on entendait unhalètement sourd, et un panache de fumée noire se dressait sur leciel.

– Nous allons être pincés pour sûr.

– Oh ! toi, tu trembles toujours.Avec un peu de sang-froid nous nous en tirerons. Mais commençonspar enlever cette brute de Carrey que les employés du train vontdécouvrir en arrivant.

Les deux complices empoignèrent brutalementCarrey, plus mort que vif, et le déposèrent sans douceur, derrièreune petite dépression de terrain.

– Maintenant, causons, dit Bill.

– Qu’est-ce que nous allons faire ?Il ne faudrait tout de même pas perdre notre minerai d’or.

– Je n’en ai pas plus envie que toi, etjustement il me vient une idée.

– Parle !

– Si on pouvait glisser notre wagon dansla rame du train de ravitaillement qui va repartir, nousgrimperions dans le fourgon, nous jetterions les sacs à contre-voieet, à la nuit, nous viendrions les chercher avec l’auto.

– Bill, fit Dock avec admiration, tu esun homme épatant.

– Ça te va ?

– Je te crois.

– Alors, à l’œuvre.

*

**

George et Helen venaient de sortir ensemble.Ils avaient partagé le frugal repas des ouvriers à la cantine, etHelen, tout en marchant, mordait à belles dents dans une de cesbelles pommes de Californie qui sont d’un parfum si pénétrant,quand elle aperçut Batchelor qui accourait en criant.

– C’est à nous qu’on en veut, jecrois ?

– Probablement, répondit George en riant,puisque nous sommes actuellement les seuls êtres humains envue.

– Regardez ! regardez ! hurlaitBatchelor, qui était maintenant tout près.

– Quoi ! qu’est-ce que vous voulez…qu’est-ce que vous dites ?

– Je dis que les bandits filent avec lewagon aux minerais qu’ils ont accroché au train. Regardez…ah ! les crapules.

Le train de ravitaillement commençait en effetà démarrer, sa vitesse augmentait insensiblement.

– Mais, bon Dieu ! expliquez-vous,dit George en secouant rudement Batchelor par le bras.

En quelques mots haletants, l’homme mit aucourant les jeunes gens de ce qui venait de se passer.

Helen, nous le savons, était une femme derésolutions promptes.

– Vite, vite, George, il faut rattraperle train.

– Mais, comment ?

– Nous trouverons bien une auto.

– Je ne pense pas, dit Batchelor.

Helen, serrant les poings, regardait le trainqui s’enfonçait vers l’horizon.

Tout à coup, ses regards se portèrent sur lacarriole de Batchelor, toujours attelée de ses deux chevaux.

– Voilà notre affaire, Storm, avec lavoiture et en coupant au court, nous rejoindrons le train. Mais iln’y a pas une seconde à perdre.

Quelques instants après, les deux chevaux,lancés à toute allure, filaient à fond de train à travers laplaine.

Storm, debout, conduisait.

Helen, penchée et cramponnée à la paroi,excitait les animaux de la voix.

*

**

Bill et Dock, accroupis sur les sacs d’or, sefélicitaient du succès de leur ruse.

– Je crois qu’il est temps de mettredehors nos petits ballots, dit Bill.

– Allons-y.

Les deux bandits ouvrirent la glissière.

Dock balançait un premier sac pour le lancersur la voie.

Il se rejeta en arrière avec un cri.

– Qu’est-ce que tu as ?

– Regarde. Bill se pencha.

– La damnée fille, hurla-t-il, c’estencore elle !

En effet, la carriole lancée à toute vitesse,suivait maintenant le train qui allait à petite allure.

– Tant pis, fit Bill en ajustant sonrevolver. Cette fois-ci elle y passera.

Dock lui empoigna la main.

– Tu n’es pas fou… nous sommes pincésc’est sûr… alors comme voleurs, c’est la prison… comme meurtriers,c’est la mort ! Très peu pour le fauteuil électrique.

En grommelant, Bill remit son revolver à saceinture.

*

**

Grâce aux innombrables lacets que faisait lavoie, les chevaux, fouettés à tour de bras, avaient pu rejoindre letrain.

– Serrez le convoi le plus possible,disait Helen.

– Vous n’allez pas sauter.

– Si.

– C’est de la folie.

– Obéissez.

Les roues de la carriole frôlaient les rouesdu wagon.

Helen prit son élan et bondit sur lemarchepied. De là, s’aidant de la main, elle grimpa sur letoit.

Mais Bill avait tout vu.

Cette fois Dock ne put le retenir. Fou derage, il tirait comme un dément sur Storm et la voiture.

George ramassa la carabine de Carrey qui setrouvait au fond du véhicule, et ripostait de son mieux.

– Tonnerre de Dieu ! hurlait Bill,la petite est dans le train, ils vont nous avoir.

– Il faut l’empêcher d’aller prévenir leconducteur, dit Dock.

– Tu as raison, en haut nous aussi.

– Dépêchons.

Un instant après ils étaient à leur tour surle toit du fourgon.

George se désespérait de savoir Helen seule enprésence des bandits. Tout à coup il aperçut au fond de la voiturela fourragère qui servait à corder les ballots sur la voiture.

Il s’en empara, fit un nœud coulant à l’unedes extrémités et lança un lasso d’un nouveau genre sur le toit duwagon contre lequel il courait.

Le nœud s’enroula autour de la prised’air.

Sentant la corde se raidir, Storm n’hésitapas, il lâcha la voiture et, s’aidant du filin, grimpa sur lewagon.

Il n’avait pas fait trois pas en chancelantsur l’étroite plate-forme qu’il se heurtait à Bill qui, l’assommantd’un coup de poing, le renversait inanimé.

Mais Helen n’avait pas perdu de temps. Ellerevenait avec les deux conducteurs du train qu’elle avaitprévenus.

Bravement, les deux hommes la suivirent.

Mais Bill et Dock, braquant leur revolver surles nouveaux venus, les forçaient bientôt à mettre les mains enl’air.

Cependant Helen ne perdait pas courage.Sournoisement son pied cherchait la cheville de Dock. Au moment oùelle le frôlait, elle donna à l’homme un violent croc-en-jambe etil s’abattit sur le plancher. Profitant de l’incident, les deuxagents s’élancèrent sur Bill qui, lui, dans la bagarre, perdit sonrevolver.

Le combat s’engagea furieux entre les quatrehommes.

Mais Helen ne pensait qu’à son pauvre George.De wagon en wagon, elle put le rejoindre.

Au moment où elle lui soulevait la tête, Stormouvrit les yeux.

– Rien de cassé, George ?

– Rien, Helen.

– Alors, tâchez de vous remettre le plusvite possible, moi je vais essayer de détacher du train le fourgonaux minerais.

– Rien de cassé, Helen ?

– Rien, George… et nous avons sauvé nossacs d’or.

Avec une force et une adresse incroyables,Helen réussit dans son téméraire dessein.

Aussitôt, elle sautait du wagon à terre.

Un homme se rua sur elle.

C’était Bill qui avait suivi sa manœuvre.

Une lutte mortelle s’engagea entre le banditet la jeune fille. Tout à coup Helen sentit qu’elle allait perdreconnaissance, mais George arrivait à la rescousse.

D’un beau direct à l’estomac, il culbutaBill.

Alors, aidant Helen à se relever, il dit enriant :

– Rien de cassé, Helen ?

– Rien, George…

– All right !

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