L’Héroïne du Colorado

CHAPITRE V – Spike fait ses preuves

Dès que l’automobile fut arrivée devantl’usine déserte, Dixler fit transporter la jeune fille, toujoursendormie, jusqu’à la chambre de chauffe éclairée seulement pard’étroites embrasures et où l’on ne pouvait rien voir dudehors.

Tandis que Dock et Bill faisaient l’inspectionde l’usine pour s’assurer qu’ils étaient bien seuls, Dixler, restéavec Helen, contemplait sa victime.

Une bouffée de l’amour ancien lui revint aucœur. Si elle avait voulu pourtant, cette petite fille, elle auraitpu changer sa vie, faire de lui un homme vraiment bien, avec laconscience nette et les mains propres… et puis… et puis, lesouvenir de la lutte engagée lui revint à la mémoire, il se rappelaque dans les nombreuses phases du duel formidable engagé entre luiet elle, c’était Helen qui avait toujours triomphé…

Et l’orgueil étouffa l’amour.

Il n’eut plus qu’un désir : prendre sarevanche, et maintenant qu’il la tenait là, à sa merci, il sauraitbien en tirer ce qu’il voulait. Si elle refusait de livrer lescontrats et de répondre à ses questions… tant pis pourelle !

Helen rouvrit les yeux.

Elle les referma vivement, croyant sans douteêtre en proie à quelque cauchemar. Mais une lourdeur incomparable àla base du crâne, des douleurs aiguës dans les tempes et toujourscette odeur de pomme qui persistait…

Elle reprit conscience d’elle-même. Ellecomprit qu’elle avait été victime d’un odieux guet-apens, qu’elleétait au pouvoir de Dixler et elle releva ses paupières, acceptantcourageusement la lutte.

– Ah ! ah ! s’écria alorsDixler en s’inclinant avec ironie… je suis charmé de constater quemiss Holmes va mieux.

Helen le regarda avec mépris.

– N’affectez donc pas des manières degentleman, riposta-t-elle cinglante, vous n’êtes pas un gentleman,monsieur Dixler !

– Je suis désolé de voir une aussi joliebouche me refuser ce titre.

– Assez de raillerie, je le répète, vousêtes un drôle et un lâche ! Dixler blêmit et serra lespoings.

– Oui, un lâche coquin qui n’a pas hontede s’attaquer aux femmes.

– Allons, en voilà assez, répliqua engrognant l’Allemand. Je ne suis pas ici pour écouter vos insultes,et vous ne devriez pas oublier que vous êtes entre mes mains, queje vous tiens et que je ne vous lâcherai pas.

– Vous ne me faites pas peur.

– Vous baisserez le ton tout àl’heure.

– Nous verrons bien.

À ce moment, Dock et Bill rentraient dans lachambre de chauffe.

– Nous sommes bien seuls, patron, ditBill, il n’y a personne.

– À merveille, fit Dixler.

Puis se tournant vers Helen :

– À présent, ma petite, il faut nousremettre les contrats que vous apportiez au vieux Hamilton.

– Ils sont dans le sac que vous m’avezvolé. Dixler éclata de rire.

– Je ne vous demande pas les vieuxprospectus que vous aviez si soigneusement empaquetés. Ceux-là,j’ai eu le plaisir de les lire déjà.

– Je n’ai pas autre chose à vousdonner.

– En ce cas, conclut l’Allemand avec unmauvais sourire, il ne me reste plus qu’une ressource.

Et s’adressant à ses deux complices, ilajouta :

– Fouillez mademoiselle !

Helen se redressa, pâle d’indignation et decolère.

– Vous commettriez cette infamie !Dixler haussa les épaules.

Bill dit, en mettant la main sur l’épaule del’orpheline :

– Si vous croyez qu’on va segêner !

– Allons, allons, donnez de bonne grâceles contrats, miss Holmes.

– Vous êtes le dernier des misérables,répondit la jeune fille. Les papiers, vous ne les aurez qu’avec mavie !

– Finissons-en, dit rudement l’ingénieur.Dock s’avança à son tour.

Helen se crut bien perdue.

Mais soudain, il lui sembla entendre un bruitléger dans l’escalier.

– Au secours ! au secours !cria-t-elle de toutes ses forces.

Dixler lui ferma la bouche d’une main brutale,tandis que Bill l’enlaçait par derrière.

Souple et sportive, Helen put se dégager etsauta sur l’un des fourneaux, cherchant une issue pours’échapper.

Mais Dixler l’avait déjà reprise.

À ce moment, on frappa à la porte.

– Va voir ce que c’est, Dock, crial’Allemand, et si c’est quelqu’un qui vient nous embêter, tu saisce que tu as à faire.

Dock entrouvrit la porte et ne vitpersonne.

– J’ai la berlue !… on n’a pasfrappé ? marmotta le bandit. Pourtant, par acquit deconscience, il fit un pas au-dehors. Spike se dressait en face delui.

Il voulut l’éviter, mais déjà le terriblepoing de l’ancien forçat lui avait mis la mâchoire en marmelade. Ils’écroula comme une masse.

– Mille diables ! que sepasse-t-il ? rugit Dixler qui cherchait à arracher le corsagede la jeune fille.

Tout à coup, il eut un cri de triomphe.

Sous ses doigts, il avait senti du papier. Ilarracha les contrats, en criant :

– Victoire !

– Pas encore ! répondit Helen, ens’accrochant à lui et en cherchant à reprendre les papiers.

– Tenez bon, miss Helen, mevoici !

Au son de cette voix qu’elle reconnut tout desuite, Helen eut un cri de joie.

Dixler se retourna une seconde, pour voir quelétait ce nouvel arrivant.

Ce mouvement lui fut fatal.

D’un geste prodigieusement rapide, miss Helenlui arracha les contrats.

En même temps, George qui venait dedégringoler d’un tuyau de chauffage, se ruait sur l’ingénieur.

Entre les deux hommes, la lutte commença,farouche. Dock qui avait fait un pas vers la porte, pour voir cequi se passait, s’élança au secours de son patron, mais avant qu’ill’eut rejoint, Spike était déjà sur lui.

Dock était agile, mais Spike était fort. Ilplaça fort adroitement deux coups directs qui culbutèrent lebandit.

Dixler, tout en se débattant, avait pu jeterun coup d’œil autour de lui.

Il vit la partie perdue.

Il empoigna George brusquement sous le bras etle serra à l’étouffer, puis, profitant de la surprise, il envoyarouler le jeune homme sur le plancher.

Il s’engouffra en courant dans l’escalier, encriant :

– J’aurai ma revanche ! Spikevoulait le poursuivre.

– Non ! non ! laissez cethomme, j’ai les papiers, c’est tout ce qu’il faut.

– Vous n’êtes pas blessée, Helen, dit enlui prenant la main George, qui s’était relevé.

– Non, merci ! je n’ai rien !…ou plutôt, j’ai les contrats, ajoutât-elle, en riant. Mais, commentêtes-vous arrivé si à propos ?

– C’est grâce à Spike ! réponditStorm.

– Vous voulez dire Clay ! fit Helen,surprise.

– Non ! non ! George dit bien,Clay n’existe plus, il n’y a plus que Spike.

Il ajouta fortement, en regardant Helen.

– Spike ! désormais honnêtehomme.

*

**

– Mais, c’est épouvantable, ce que vousme racontez-là, Barnett… « Comment ! ma pupille disparue,enlevée en cours de route ?

– Il n’y a pas d’autre explication,monsieur Hamilton, on a fait des recherches sur la voie, il n’y apas eu d’accident.

– Et Storm ?

– Quand il eut constaté l’absence de missHolmes, il est monté sur la machine avec Noggs, puis il estdescendu en cours de route.

– Et puis, rien ?

– Rien, monsieur le directeur.

Ces propos s’échangeaient entreM. Hamilton et le conducteur du train 19, à la station duSignal, où le directeur de la Central Trust était venu attendreHelen. Le pauvre homme semblait abattu, désespéré. Helen, sa petiteHelen, qu’était-elle devenue ?

Une voix joyeuse lui fit soudain relever latête.

– Me voici ! vieux Ham ! jesuis un peu en retard, parce que je me suis arrêtée en route, maisvoici vos contrats.

– Ma chère enfant ! s’écriaM. Hamilton, en prenant Helen dans ses bras. Que vous est-ilarrivé, mon Dieu !

– Nous vous raconterons cela en dînant,si vous voulez bien nous inviter à dîner tous les trois, George etSpike.

– Qui est Spike ? demanda Hamiltonahuri, en voyant la figure du vieux comédien, qui grimaçaitderrière l’épaule du mécanicien.

– Spike ! c’est moi, monsieur !fit l’ex-bandit, en s’avançant, désormais, je suis Spike.

Et Helen ajouta, gravement :

– Spike ! l’honnête homme !

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