L’Héroïne du Colorado

CHAPITRE IV – Le dernier crime deDixler

Plus sombre encore que de coutume, Dixlerassis à sa table, dans sa chambre de Las Vegas, froissait entre sesmains fiévreuses un journal qu’il venait de lire.

Un entrefilet avait attiré son attention.

L’inauguration de la nouvelle ligne de laCentral Trust a failli être marquée par une épouvantablecatastrophe.

Des malfaiteurs encore inconnus, mais surla trace desquels est notre police, après avoir capturé parsurprise le mécanicien bien connu George Storm l’avaient jeté,bâillonné et ligoté dans un wagon à minerai, dans l’espoir que cetinfortuné serait enseveli sous le quartz ; avant d’avoir étédécouvert.

Par bonheur, miss Helen Holmes, dont on necompte plus les traits de courage et de dévouement, est arrivée àtemps pour arracher Storm à la plus épouvantable desmorts…

Dixler se leva et s’adressant à Ward et Billqui, immobiles à quelques pas de lui, attendaient qu’il parlât.

– Il n’y a pas de votre faute, mesgarçons, dit-il, la fatalité s’acharne après nous… ma foi, jequitte la partie… si vous voulez venir avec moi, en Europe, je vousemmène, cet affreux pays me dégoûte… je n’y ai récolté qu’affrontset déboires.

Bill ouvrait la bouche pour répondre, quand letimbre de l’entrée retentit.

Dixler prit le pli et décacheta vivementl’enveloppe d’où il retira une carte élégante.

On y pouvait lire :

JOE HAMILTON

À l’occasion des fiançailles de sapupille, Helen Holmes, avec George Storm, prie monsieur Dixler devenir passer la soirée du 20 courant à Cedar Grove.

– Ma parole, gronda Dixler, en jetant lacarte sur la table, ce vieil homme non content de m’avoir roulé, semoque de moi par-dessus le marché. M’inviter aux fiançailles deHelen… et à Cedar Grove, moi… Dixler ?

L’Allemand serrait les poings. Ses traits siréguliers étaient littéralement bouleversés par la fureur. Ses yeuxavaient des lueurs fauves.

Tout à coup, son visage s’éclaira.

– Pourquoi pas ? murmura-t-il, commerépondant à une pensée intérieure… C’est ce soir…

Il songea un instant.

– Ma foi, tant pis, dit-il tout haut ense décidant. Je peux prendre d’un seul coup ma revanche, je seraisun sot de ne pas tenter une dernière fois la fortune…

– Ward, Bill, écoutez-moi.

Les deux bandits approchèrent de leur maîtreet Dixler leur parla longuement à voix basse.

Puis il remit à chacun d’eux un revolver deprécision et les congédia.

– À ce soir, à neuf heures, ici.

– Entendu, patron, fit Bill.

Et comme Ward restait près deDixler :

– Je n’ai pas besoin de toi, fitl’Allemand, tu peux accompagner Bill. Mais surtout pas trop dewhisky, il faut avoir cette nuit l’œil et surtout la mainferme.

Les deux gredins ayant reçu leur congé s’enallèrent bras dessus bras dessous et gagnèrent, sans même s’êtredonné le mot, l’aimable bar où le Serpent qui marche la nuitconfectionnait ses incomparables cocktails. Quelques instants plustard, les deux compagnons installés devant deux mousseux MintJuleps pouvaient, dans un coin de la salle du bar, deviser en touteliberté.

– Enfin, dit Ward, après avoir tiré surson chalumeau, le patron se décide à prendre les grands moyens.

– Ce n’est pas trop tôt, grommelaBill.

– Cette fois, je crois que le damnégarçon y passera.

– S’il ne lui faut que ma balle pourfaire de lui un cadavre, le beau George a une jolie chance de nepas voir le soleil demain.

Il ajouta entre ses dents :

– Il y a d’ailleurs longtemps que je veuxavoir sa peau.

À l’heure dite, les deux bandits roulaient enauto avec Dixler.

Dixler, impeccable dans son habit noir, avaitaux lèvres son étrange sourire.

Il sauta légèrement dans la torpédo, etcommanda à Bill qui était au volant :

– En route !

Le trajet de Las Vegas à Cedar Grove n’est paslong, en trois quarts d’heure la route fut faite.

Arrivé à quelque distance de la propriété desHolmes, Dixler fit stopper, puis il dirigea tout doucement lamachine dans un petit chemin qui bordait le jardin du cottage.

– Venez, ordonna-t-il alors à ses deuxhommes.

Il franchit lentement la haie d’eucalyptus quibordait le parc.

Les deux compagnons l’imitèrent.

À pas de velours, les trois hommes seglissaient maintenant dans les allées. Quand ils furent arrivés àquelque distance de la villa dont toutes les fenêtres étaientilluminées, Dixler murmura :

– Stop.

Puis après avoir examiné les lieux, ilajouta :

– Venez ici et cachez-vous là.

L’Allemand avait embusqué ses hommes derrièrele tronc d’un énorme eucalyptus. Il glissa à leuroreille :

– Ne bougez pas, dans dix minutes jereviendrai vous dire quand il faudra agir.

Puis, quittant brusquement l’ombre quil’abritait, Dixler se dirigea délibérément vers le cottage d’oùs’échappait un joyeux brouhaha de rires, de musique. Dans levestibule, il jeta son pardessus à un domestique.

– Qui dois-je annoncer ? demanda levalet en s’inclinant.

– M. Fritz Dixler.

Et souriant, l’Allemand pénétra dans cettemaison où il allait porter le désespoir et la mort.

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