L’Héroïne du Colorado

CHAPITRE II – Le billet taché

– Car, enfin, gentlemen ! à quiferez-vous croire cette fable absurde, du vol de la paye ! Jevous le demande ? La vérité est tout simplement que lacompagnie se paye notre tête, au lieu de nous payer notre mois…

– Oui ! oui ! il araison !…

– C’est honteux !…

– L’argent !… ou on chambardetout !…

– À mort, Hamilton !

C’était Spike, qui, fidèle à la consignereçue, haranguait sur les chantiers, les ouvriers auxquels onvenait d’annoncer que par suite de la disparition des fonds envoyéspar le siège social, la paye serait retardée de quarante-huitheures.

Ce retard aurait, sans doute, été accepté sansdifficulté par les hommes de l’exploitation, si Spike n’avait pastout d’abord travaillé toutes les fortes têtes du chantier. Quandl’ancien forçat eut constaté un commencement de fermentation, il serépandit dans les groupes, jetant partout sa parole haineuse etdonnant à tous les pires conseils.

– Nous sommes les victimes d’uneconspiration du capital, continuait Spike, car savez-vous quel estle but des administrateurs de la compagnie ?

– Non ! non !…

– Dis toujours !

– Parle ! mais parle donc,Spike.

– Eh bien ! gentlemen ! c’esttout simplement de vous remplacer sur les chantiers par de lamain-d’œuvre jaune. On veut vous dégoûter, pour mettre à votreplace des Chinois, des sales Chinois, que ces messieurs de laCentral Trust paieront de quelques cents et d’une poignée deriz.

– Ah ! mais non.

– Ça ne se passera pas comme ça.

– Où est Hamilton, qu’on lecrève ?

– Ça y est, on va tout démolir.

George Storm, qui venait de descendre de sontrain et qui tombait en pleine effervescence, sans rien comprendreà ce qui se passait, courut à la direction.

Hamilton était là, Helen debout près delui.

Il téléphonait à Oceanside, pour demanderl’envoi immédiat de fonds.

– Ah ! Monsieur Hamilton !

– Qu’est-ce qu’il y a, mongarçon ?

– Il y a que ça chauffe rudement.

– Où cela ?

– Sur les chantiers. Ils crient qu’ilsvont tout saccager, s’ils n’ont pas leur argent.

– Bah ! bah ! quelquesmécontents… je vais aller les faire taire.

– Écoutez ! écoutez Rhine ! fittout à coup Helen, en ouvrant la fenêtre.

Une bouffée de clameurs furieuses entra dansle bureau.

– Entendez-vous ? Des voixhurlaient.

– Le feu ! foutons le feu auxbâtiments.

– Hamilton ! Hamilton ! À mortHamilton.

Le vieux directeur eut un geste de colère etse précipita vers la porte.

– Mais ils vont vous tuer, vieux Ham, ditHelen en cherchant à l’arrêter.

– Bah ! bah ! laissez-moi,petite fille, j’en ai vu bien d’autres ; ils ne me mangerontpas.

Et, résolument, il se jeta dehors.

Spike, sa tâche accomplie, avait été retrouverses copains dans une petite buvette qui se trouvait au bout ducamp. Avec la satisfaction d’une bonne conscience, il avala unverre de whisky et alluma une cigarette.

– Mes petits enfants, dit-il à Dock, Billet Lugg, je m’en vais vous dire adieu. Retournez au plus tôt àOceanside, moi je vais aller voir comment tournent lesévénements.

Le tavernier sortit aussi, attiré au-dehorspar les cris de la foule, qui, d’instant en instant devenaient plusféroces.

La cantine restait déserte.

Seule, une petite, une toute petite chose,continuait à vivre à l’intérieur de la cahute.

L’allumette que Spike avait jetée derrièrelui, après avoir allumé sa cigarette, persistait à flamber parterre tout doucement. Sa mince flamme jaune gagna un vieux chiffongraisseux qui traînait. Le chiffon s’embrasa et communiqua le feu àun amas de caisses vides.

En cinq minutes, toute la maisonnette était enfeu. Par malheur, la cantine était adossée au hangar qui abritaitles huiles et l’essence. Le bâtiment ne fut bientôt plus qu’unetorche rouge et noire, dont le vent rabattait le panaché vers lesautres baraques de l’exploitation.

Hamilton, malgré son âge, était solide,énergique et vigoureux ; il se jeta au plus épais de labagarre et cria de sa rude voix, qui domina un instant letumulte :

– Qu’est-ce que vous avez à crier commeça, tas d’abrutis ! Votre argent a été volé, ce n’est pas vousqui en pâtirez, c’est la compagnie. Je viens de téléphoner àl’instant à Oceanside qu’on me renvoie des fonds par le prochaintrain. Vous serez tous réglés demain.

– Pas demain, tout de suite.

– Oui, oui, à l’instant.

– L’argent, nous voulons l’argent.

Une dizaine d’énergumènes l’environnaient envociférant.

– Mais vous êtes idiots, complètementidiots, répliqua le directeur, que la colère commençait àgagner.

On ne l’écoutait plus.

Un grand diable de terrassier l’avait pris àla gorge ; un autre, plus expéditif encore ou peut-être pluspratique, fouillait dans ses poches.

De deux coups de poing bien appliqués,Hamilton se dégagea.

Mais d’autres venaient à la rescousse.

Storm, voyant le danger couru par sondirecteur, se précipita à son secours.

Des contremaîtres et des chefs de chantier lesuivirent. Une furieuse bataille s’engagea.

Tout à coup, une clameur s’éleva, plus forteque tous les autres bruits.

– Le feu !

Les combattants s’arrêtèrent et, en uninstant, chacun demeura immobile, considérant avec stupeur lestourbillons de flammes qui s’élevaient maintenant de troisbaraquements.

Devant le terrible fléau, Hamilton avaitrepris tout son sang-froid. Il commanda :

– Atkins, Jeffries, Macdonald, prenezchacun vingt hommes et démolissez tous les bâtiments qui setrouvent à gauche de la voie. Il faut faire la part du feu. Leshaches et les pics sont dans le hangar 23 ; hâtez-vous, lesgarçons, du cœur et des bras.

Sans une hésitation, chacun obéit.

En présence du danger commun, on ne pensaitplus qu’à obéir au chef.

Cinq minutes ne s’étaient pas écoulées, que lebruit de haches, attaquant les murs, résonnait dans tout lechantier.

Spike avait assisté en amateur à cette scènetragique.

– C’est exprès que tu as mis lefeu ! lui demanda tout bas Bill.

– Le feu, moi ?

– Mais oui !… Voyons, avant desortir tu as jeté ton allumette sur un tas de vieux chiffons.

L’ancien forçat éclata de rire.

– Ma parole d’honneur, mes petitsenfants, reprit-il, c’est absolument par hasard que la chose s’estfaite, mais c’est du beau travail, et maintenant que tout flambe,je dirai au patron que c’est une diabolique idée du vieuxSpike.

– Et tu auras une gratificationsupplémentaire, vilain singe ! ricana Lugg, en lui donnant unegrande claque dans le dos.

– Le patron aime que l’on ait del’initiative, dit-il en se rengorgeant avec une aimablefatuité.

Il ajouta en changeant de ton :

– Mais le patron aime surtout que sesordres soient ponctuellement exécutés. Voilà pourquoi, mes amours,je vous engage vivement à prendre le train et d’aller déposerl’argent, comme il vous l’a dit, chez Storr. Bill et Lugg suffirontpour faire la commission. Dock restera avec moi. Je puis avoirbesoin de lui.

– Tu as raison, dit Lugg, nous n’avonsplus rien à faire ici ; tu viens, Bill.

Les quatre bandits échangèrent des poignées demain avec des mines complices.

Spike et Dock se rapprochèrent du foyer del’incendie ; Bill et Lugg se dirigèrent vers la petite baraquequi servait de gare à Last Chance.

– Deux billets pour Oceanside ?demanda Lugg, en jetant un bank-note de cent dollars àl’employé.

– Tu n’es pas fou, répondit celui-ci. Jen’ai pas douze shillings de monnaie dans ma caisse. Va demanderqu’on te change ton billet au poste central. Seulement,dépêche-toi, le train part dans cinq minutes.

Lugg, suivi de Bill, courut vers les bâtimentsdu poste central.

Helen était seule dans le bureau.

Lugg se pencha au guichet et demanda de lamonnaie de cent dollars.

La jeune fille, encore tout émue des tragiquesévénements qui venaient de se passer, compta presque machinalementl’argent au gredin.

Aussitôt en possession de leur monnaie, Billet Lugg filèrent à toutes jambes.

Au moment de jeter le billet dans son tiroir,Helen y jeta un dernier coup d’œil.

Le bank-note était en plusieurs endroitsmaculé d’encre violette.

L’orpheline eut un sursaut.

En un éclair, elle se rappela l’incident del’encrier renversé par Hamilton, les billets tachés, elle revit lafigure sombre des deux bandits qui venaient de se présenter auguichet.

Plus de doute… C’étaient les voleurs qu’ellevenait de voir…

Nous savons déjà que Helen était une fillepleine d’énergie et de décision.

Elle n’hésita pas.

Elle donna un tour de clé à son tiroir-caisseet se précipita sur les traces des deux malandrins.

Quand elle arriva à la gare, elle eut un cride rage impuissante.

Le train venait de partir. Il disparaissaitdéjà au tournant de la voie parmi les volutes de fumée del’incendie.

Helen jeta un regard désespéré autourd’elle.

Les voleurs allaient donc lui échapper.

Soudain, elle aperçut à quelque distance uninspecteur de la traction qui s’avançait à califourchon sur lapetite voiture électrique sur rails qui, aux États-Unis, sert àtous les travailleurs de la voie pour se transporter rapidementd’un point à l’autre.

En quelques mots, la jeune fille mitl’inspecteur au courant, sauta sur sa machine et se lança à toutevitesse à la poursuite du train.

Au bout de deux milles, grâce à une pentequ’elle avait descendue avec une vertigineuse vitesse, Helen avaitpresque rattrapé le train.

Elle fit des signaux conventionnels auconducteur qui se tenait sur la plate-forme arrière et ralentit lamarche du convoi, de telle sorte que la jeune fille put bientôt lerejoindre.

Elle sauta sur la plate-forme sans s’inquiéterde sa poussette.

– Les voleurs de l’argent de la paye sontdans le train, dit-elle, haletante, au conducteur. Nous allons lesarrêter.

Quelques instants auparavant, Bill s’étaitinstallé à la fenêtre du wagon pour contempler le paysage et, commeà ce moment le train était engagé sur une courbe, il putparfaitement apercevoir et reconnaître Helen qui faisait dessignaux au conducteur.

– Lugg, fit-il en rentrant vivement latête, nous sommes flambés.

– Tu es fou ?…

– Non, non, la petite caissière du postecentral est à notre poursuite.

Lugg se mit à rire.

– Tu n’as pourtant pas bu grand-chose,ricana-t-il.

À ce moment, les deux hommes entendirent unevoix tout près d’eux qui disait :

– Tenez, les voici, là, tous lesdeux.

Les deux bandits sursautèrent en reconnaissantHelen. D’un bond, les deux misérables furent à l’extrémité duwagon.

– Vite, vite, ils se sauvent !criait Helen.

Mais Bill et Lugg étaient de bons garçons quisavaient à temps prendre leur parti.

Comme le convoi à ce moment traversait le SanJoachim sur un double pont de fer ouvragé comme de la dentelle, ilspiquèrent une tête hardiment dans le fleuve.

Helen trépignait sur la plate-forme duwagon.

– Mon Dieu, miss, disait le conducteur dutrain en manière de consolation… voyez… tout n’est pas perdu. Lesdeux hommes se dirigent vers la côte. Ils y seront dans un instantet, par conséquent, ils seront forcés de traverser la ville ;nous, nous allons stopper dans vingt minutes en gare d’Oceanside etvous pourrez continuer vos recherches.

– Et mes coquins seront loin, conclutHelen ironiquement.

Puis elle ajouta toute frémissante.

– Il me reste encore une chance de lesrejoindre, je la joue !

Et avant que l’employé stupéfait ait pu faireun geste pour la retenir, Helen s’était lancée dans le vide.

La jeune fille avait bien calculé son élan.C’était le moment où le train allait quitter le pont, dont lapartie inférieure servait de voie aux piétons, aux voitures et auxtramways. Ce fut sur le second terre-plein que Helen vints’abattre.

Elle ne perdait pas de vue les hommes deDixler qui, après être sortis du fleuve et s’être essuyés de leurmieux, se dirigeaient en courant vers un car qui justementdébouchait du pont. Les deux gredins y sautèrent.

Mais Helen s’était relevée sans aucun mal.Elle avait vu Bill et Lugg monter dans le car.

Un taxi passait à vide. Elle l’arrêta ets’adressant à un policeman qui était tout à côté.

– Pardon, monsieur, fit la jeune fille,je poursuis deux voleurs. Je vous prie de m’accompagner.

L’officier de police monta dans l’auto avecl’orpheline et l’auto fila à la suite du tramway.

– Attention, dit Lugg, qui de sa placesurveillait les alentours. Voilà encore la petite caissière à nostrousses.

– Mais elle est enragée, cette fille-là,grommela Lugg.

– Enragée ou non, elle nous piste dur.Tiens, la vois-tu dans l’auto rouge avec un flic ?

– Avec un flic ?… Très bien, nous nesommes plus loin maintenant de chez Storr… On va leur brûler lapolitesse.

Une minute après, au risque de se tuer, lesdeux copains sautaient sur la chaussée.

Bill et Lugg se faufilèrent entre les voitureset s’engagèrent à toute vitesse dans la rue de Storr lereceleur.

Le vieux gredin habitait un immeublesordide.

Un escalier extérieur desservait lesdifférents étages. Bill et Lugg se faufilèrent entre les voitureset grimpèrent les degrés quatre à quatre ; ils heurtèrentviolemment à une porte peinte en couleur rouge et où dominait aubeau milieu du vantail un superbe chiffre 12.

– Qui est là ? demanda une voixavinée de l’intérieur.

– Bill et Lugg ! Ouvre vite, vieillemain, nous sommes pistés. La porte s’ouvrit.

Les deux coquins se trouvaient dans un ignobletaudis suant la débauche par tous ses murs lépreux.

Un gros homme à la face luisante, aux yeuxsournois, les regardait entrer avec défiance.

– Qu’est-ce qu’il y a encore ?bougonnait-il en fermant la porte.

– Ordre de Dixler, garder cet argent, ditLugg très vite en lui passant une liasse de billets.

– Bien.

– Et puis, dit Bill qui prêtaitl’oreille, nous faire filer au plus vite. Car les flics sont à nostrousses.

– Mille diables !… on montel’escalier… c’est elle, reprit Lugg qui venait d’écouter à sontour. Ah ! la diablesse de fille !

– Quelle fille ?

– Tu nous embêtes… fais-nous filer, je tedis.

– Attendez, fit Storr, montez surl’armoire. Les deux gredins se hissèrent sur une armoirebranlante.

– Bon, maintenant soulevez la trappe etvous serez sur le toit… oui, oui, là à côté du vitrage.

Bill et Lugg étaient accoutumés à ces issuesparadoxales. Trois secondes après ils avaient disparu. Il étaittemps.

On ébranlait la porte à grands coups de poinget une voix rude commandait :

– Ouvrez au policeman.

Storr, au lieu d’obtempérer à l’ordre reçu, sefourra précipitamment sous son lit.

Il y eut un bruit formidable et la portes’abattit à l’intérieur de la chambre.

C’était le policeman qui, d’un coup d’épaule,venait de se frayer un passage.

– Là, là… dit Helen en montrant la trappeentrouverte.

Et le policeman et la jeune fille suivirentsans hésiter le chemin pris par les bandits.

Cependant Bill et Lugg n’étaient pas au boutde leurs peines. Storr n’avait pas prévu que leur retraite seraitdécouverte. Il avait espéré les faire redescendre après la visiteinutile du policeman. L’immeuble habité par le vieux receleur étaiten effet isolé. Il était impossible de passer sur un autre toit. Lafuite était coupée.

Il fallait donc livrer combat.

Quand ils surgirent de la trappe, l’agent depolice et Helen furent accueillis par une salve de coups derevolver, mais les gredins n’avaient pas de chargeur de rechange etils durent bientôt jeter leurs armes inutiles.

Alors sur le toit s’engagea une luttefarouche.

Lugg s’était jeté sur Helen.

Le policeman avait empoigné Bill. Et lesquatre corps, étroitement liés, roulaient sur l’étroiteplate-forme, tandis que pleuvaient les coups de poing.

Helen se sentit faiblir.

Elle rassembla toutes ses forces, fit unsuprême effort et poussa Lugg jusqu’aux abords du toit.

Le bandit, une seconde, se retint à unesaillie de briques, mais ses doigts lâchèrent prise et il tombadans la rue où il s’écrasa.

Helen, penchée, avait vu l’horrible chute.Elle se rejeta en arrière, toute frémissante d’avoir tué. Mais cen’était pas le moment de s’attendrir.

Bill allait triompher du policeman. La jeunefille vint au secours de son compagnon qui bientôt repritl’avantage. Cependant Bill luttait désespérément.

Tout à coup, les combattants sentirent le sols’effondrer sous leur poids. Sans y faire attention, ils étaientarrivés sur le vitrage et les trois corps vinrent tomber dans lachambre de Storr au moment où le vieux receleur, comprenant que leschoses se gâtaient, se disposait à filer.

Mais là tout fut bientôt fini.

Helen qui avait ramassé le revolver dupoliceman tenait en respect les deux coquins et criait :

– Hands up ! (Haut lesmains !)

Storr et Bill levèrent les bras.

Ils se rendaient…

Le policier les fouilla. Il ne fut pas long àretrouver les bank-notes volés qu’il remit à Helen triomphante.

Une minute plus tard, Storr et Bill, lesmenottes aux mains, prenaient le chemin de la prison.

*

**

Cependant, grâce aux mesures prises parHamilton, l’incendie avait pu être circonscrit.

Mais les dégâts étaient énormes. De plus,l’agitation qui s’était calmée un moment pendant la lutte contreles flammes, reprenait de plus belle, maintenant que tout dangeravait disparu.

– Vilaine histoire, avait mâchonnéHamilton, qui, au milieu de ses hommes, encore fidèles, et de sescontremaîtres, voyait les groupes des mutins se reformer.

– Monsieur, monsieur, fit soudain unevoix haletante.

– Qu’est-ce qu’il y a encore ?grommela le directeur.

– Il y a, monsieur, dit George Storm, ense présentant, que miss Helen a disparu.

– Elle est au poste central…

– Elle y était, monsieur, mais elle n’yest plus. Cependant, son chapeau et sa jaquette sont encore auporte-manteau.

Le directeur devint très pâle.

– Vous êtes sûr de cela, Storm ?

– Absolument, monsieur. On a vu missHelen sortir en courant du bureau et depuis elle n’a pasreparu.

Hamilton allait sans doute agir, tenterquelque chose pour retrouver sa pupille, mais à ce moment, lesclameurs recommencèrent.

– À mort, Hamilton !

– Pendons les exploiteurs !…

– À bas la Central Trust !…

– Notre argent, nous voulons notreargent !

– Eh bien ! mes garçons, vous allezl’avoir votre argent, ne criez pas si fort.

Et une voix claire, jeune et joyeuse, dominaitle fracas de l’émeute.

Hamilton et Storm se retournèrent,stupéfait : dans une auto rouge qui se frayait péniblement unpassage parmi la foule des travailleurs, Helen continuait à parleraux ouvriers.

– Dans un quart d’heure, vous serezréglés, rentrez dans vos chantiers, les contremaîtres vontcommencer de faire la paye dans un petit moment.

– Helen, murmura Storm, en joignant lesmains.

– Mais, folle petite fille, s’écriaitHamilton, en recevant Helen dans ses bras qui sautait de lavoiture, qu’est-ce que vous dites donc ! Oubliez-vous donc quenous n’avons plus d’argent !

– Mais si, puisque le voilà, ripostagaiement Helen, en mettant dans les mains de son tuteur les liassesde bank-notes.

– Comment, mais comment tout celas’est-il passé ?

– C’est un peu long à raconter. Allonsd’abord au plus pressé. Payez tous ces braves gens et puislaissez-moi aller me recoiffer et changer de costume.

À ce moment, Helen aperçut le policeman qui,raide comme un piquet, attendait sans mot dire, debout, auprès dela voiture.

– Ah ! monsieur Watson, fit-elle enallant à lui et en le prenant par la main, je vous demande pardon,je vous oubliais.

« Vieux Ham, reprit-elle, en présentantle policeman au vieillard, il faudra payer aussi la prime à cebrave garçon. Je vous réponds qu’il ne l’a pas volée. Là,maintenant, je me sauve.

Déjà, elle avait fait trois pas vers lebureau.

– Et à moi, miss Helen, vous ne direzrien ? balbutia Storm, d’une voix piteuse.

– À vous, George, répondit en riant lajeune fille, je dirai qu’il n’est pas galant d’empêcher unedemoiselle aussi coquette que moi d’aller changer de toilette quandelle en a envie.

L’orpheline vit une telle expression dechagrin se marquer sur la physionomie du jeune homme qu’elle revintsur ses pas, et serrant la main du mécanicien :

– Je vous verrai tout à l’heure, George,lui dit-elle tout bas.

*

**

Spike avait suivi avec la plus grandeattention les événements qui venaient de se succéder sirapidement.

Quand Helen eut disparu, il se gratta latête :

– Quelle fille ! quelle fille !disait-il à demi-voix. Elle nous a roulés encore une fois… Etquelle magnifique expression elle avait, en parlant au vieux tout àl’heure… et quelle tendresse dans le regard pour son amoureux àl’instant même !… Ah ! si elle voulait faire duthéâtre !

Et Spike, hochant la tête, s’en alla de sonpas traînant, tandis que la foule hurlait :

– Vive la Central Trust ! viveHamilton et vive miss Helen !…

Les cookies permettent de personnaliser contenu et annonces, d'offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux et d'analyser notre trafic. Plus d’informations

Les paramètres des cookies sur ce site sont définis sur « accepter les cookies » pour vous offrir la meilleure expérience de navigation possible. Si vous continuez à utiliser ce site sans changer vos paramètres de cookies ou si vous cliquez sur "Accepter" ci-dessous, vous consentez à cela.

Fermer