Chapitre 8FESTIN DE BALTHASAR
Vous me croirez si vous voulez, ce fut undîner superbe : plus beau que celui de la préfecture.Ah ! bien plus beau !
Le chef, ayant reçu des ordres du vicomtePaul, improvisa un menu abondant et sucré pour accompagner lesgrosses pièces de l’ordinaire qui déjà cuisaient à la broche oudans les casseroles. Il y eut cinq services, ni plus ni moins. Lanappe damassée fut mise dans le pavillon, terreur des Anglais,boulevard de la France. On dirigea une attaque sérieuse contre lacave, mal défendue par le sommelier. Bordeaux, chambertin,champagne, tout y passa. En fin de compte, on invita lesommelier.
Il n’y avait pas à parlementer. Le vicomtePaul était le maître.
L’abbé Romorantin lui-même céda de bonnegrâce.
Cinq heures sonnant, heure militaire, aumoment même où l’huissier criait là-bas : « Madame lapréfète est servie, » Sapajou, en livrée d’apparat, vintannoncer que « la soupe était sur la table. »
Il fut grondé, car le vicomte Paul savait sonbeau monde, mais on lui permit de prendre place parmi les petitsfermiers, rangés comme des piquets et plus rouges que descoquelicots. Il promit de dire une autre fois :« Monsieur le vicomte est servi. »
Le vicomte Paul s’assit entre Fanchon, quireprésentait toutes les dames, et le général Joli-Cœur. Fanchonavait apporté un énorme paquet d’images.
Vis-à-vis du vicomte était la petite Lotte,entre M. Galapian et l’abbé Romorantin.
– Enlevez la soupe ! commanda levicomte Paul. C’est fête. On n’est pas forcé de manger lepotage !