La Fille du Juif-Errant

Chapitre 29AU FEU !

Il était minuit. Tours en Touraine avance dedeux heures sur Paris. Minuit est le beau moment des bals de lapréfecture. Le punch fumait. Le procureur général se familiarisaitavec M. Lamadou. La sous-intendante avait trouvé unvalseur !

Sir Arthur regardait la comtesse Louise.Réflexion faite, le vicomte Paul avait peut-être raison de détesterles Anglais. Le regard de sir Arthur faisait froid, honte etpeur.

En vérité, le monde avait un peu raison demordre ces Savray ; leur bonheur passait la permission :ils avaient le paradis sur terre.

La comtesse Louise, au bras de son bien-aiméRoland, avait quitté la salle de danse pour prendre l’air sur laterrasse. Là, parmi les senteurs embaumées qui montaient duparterre, ils causaient d’avenir : c’est-à-dire de Paul, lecher enfant qui était leur cœur. Ils avaient l’un pour l’autre unattachement profond, mais Paul était comme le foyer de cette belletendresse.

Ils furent interrompus au milieu de leurintime causerie par le coassement d’un corbeau.

C’était sir Arthur qui disait enfrançais :

– Voaié ! voaié ! Jé prièvos ! Voaié cette bloutzfoule spectacle ! Jé croyé quec’été un boréal auroral indeed !

De fait, le ciel avait des teintes ardentesfort extraordinaires, mais ce foyer de pourpre ne brûlait pas versle nord.

La terrasse fut pleine de curieux en un clind’œil.

– C’est un incendie ! s’écria lecommandant de gendarmerie au premier regard.

– Et un terrible incendie ! ajoutale préfet.

– Dans quelle direction ?

La comtesse Louise avait déjà le cœur serré.Elle sentait le bras de son mari frémir sous le sien.

– Dans la direction de l’ouest, dit leprésident.

– Vers Luynes…

– On peut se tromper, ajouta lasous-intendante, mais on jurerait que c’est la maison de campagnedu colonel de Savray.

Louise étouffa un cri de terreur.

– Paul prononça-t-elle. Monfils !

À l’instant où Roland, fou déjà d’inquiétude,se précipitait au dehors, un soldat couvert de poussière etruisselant de sueur traversa les salons. C’était le hussardJoli-Cœur.

– Mon Colonel, dit-il, la caserne estprévenue. On a fait ce qu’on a pu. Venez.

En même temps, le tocsin sonna aux églises, etla ville éveillée lança ce long cri d’alarme :

– Au feu !… au feu !… route deLuynes… chez le colonel comte de Savray.

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