La Fille du Juif-Errant

Chapitre 65LE SOLEIL DE JUILLET

Oh ! quand un lourd soleil chauffait les grandesdalles

Des ponts et de nos quais déserts,

Quand les cloches hurlaient, quand la grêle des balles

Sifflait et pleuvait par les airs…

Les poètes viennent après le canon et chantentainsi, les uns en vers magnifiques, comme Auguste Barbier ;les autres…

Casimir Delavigne fit laParisienne.

Mais Paris devient fou de joie quand on lechante, et n’y regarde pas de si près. Paris fit un succès à laParisienne.

Le soleil de juillet acquit une célébrité decirconstance. Paris fut, certes, quinze grands jours tout entiersavant de se moquer du soleil de juillet, de la Parisienneet du parapluie du nouveau roi.

Il était là, le soleil de juillet, jouant ausoupirail de la cave où M. Galapian et quelques autres hommesd’État écoutaient passer l’histoire.

Il dardait ses rayons matiniers sur la scènede meurtre. À la blonde lumière de ses caresses, des milliers devaillants étourneaux s’entre-tuaient sans beaucoup savoir pourquoi.Les uns criaient : Vive ceci ! les autres criaient :Vive cela ! Et les fusils parlaient, et le canon tonnait, et« les cloches hurlaient, » comme dit la poésie…

Vers dix heures du matin, trois hommesdescendaient la rue Saint-Jacques, où l’on se battaitconsciencieusement. L’un de ces hommes n’avait pour toute armequ’un long bâton, les deux autres avaient le sabre à la main. Ilsportaient des blouses par-dessus leur uniforme de hussard.

Ces deux derniers étaient notre ami Joli-Cœuret son compagnon, le second témoin du vicomte Paul. Ils essayaientde rejoindre leur caserne, située rue de Reuilly, au faubourgSaint-Antoine. Pour cela, il leur fallait traverser la villerévoltée.

L’homme au bâton ne disait point où ilallait.

Chemin faisant, il parait quelques coups quin’étaient point à son adresse et relevait les blessés.

À la tête du Petit-Pont, il y avait unesuperbe barricade défendue par des étudiants et des ouvriers. Leprofesseur qui prêchait naguère sur une borne était rentré chezlui, pensant que les coups ne sont pas des raisonnements.

Il s’était promis à lui-même de revenir aprèsla bataille.

Étudiants et ouvriers entourèrent nos troishommes. Les blouses des hussards furent relevées.

– Conscrits, dit Joli-Cœur, on en pensepeut-être plus long que vous. On a chargé dans les temps au son dela Marseillaise, et le drapeau tricolore ça nous connaîtconséquemment. Mais l’uniforme est l’uniforme, et il y a quelquechose qui s’appelle l’honneur du soldat. Laissez-nous passer oucassez-nous la tête proprement… à votre choix, jeunesses !

Les rangs des insurgés s’ouvrirent, tandis quele chef, un « polytechnique, » disait :

– Allez, vieilles moustaches, vous serezdes nôtres demain !

Cela ne manqua pas ; et voilà ce quidiminue l’admiration de bien des gens pour l’honneur militaire. Ilest vrai que si le pouvoir s’en va, la patrie reste, – oui maisbien blessée.

Joli-Cœur et son camarade franchirent le tasde pavés. L’homme au long bâton seul resta de ce côté de labarricade.

En ce moment, une troupe arrivait le long duquai Saint-Michel ; ceux qui la composaient avaient l’air devrais bandits. C’étaient nos convives de la Maison des Juifs, dansla rue Pierre-Lescot.

Leur chef s’écria :

– Enfin, le voilà ! Qu’on le prenneet qu’on le fusille !

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