La Fille du Juif-Errant

Chapitre 11DIVERS EFFETS DE CHAMBERTIN

On allait bien autour de la table, dans lepavillon ! Ce n’était pas du vin d’enfant qui se buvait.Wellington pouvait venir. Il y avait quelqu’un pour lerecevoir.

L’abbé Romorantin parlait politique avecM. Galapian, et ils se disaient mutuellement des chosespénibles, comme tous les gens qui ne sont pas du même avis et quiparlent politique. L’abbé défendait le trône et l’autel, Galapiandemandait ce que cela rapporte. Les opinions de ce galant hommedevançaient son époque. Il était déjà libéral à la façon d’uncompte courant de 1848.

Devant le colonel il gardait une prudentemesure, mais le colonel n’était pas là, et le chambertin délie lalangue.

Les petits paysans tourangeaux s’en donnaientà cœur joie et parlaient tous ensemble. Sapajou racontait lesmalheurs de sa famille. M. Galapian, dévoilant des tendancesfactieuses, criait : Vive la charte, à bas lecharretier ! Joli-Cœur racontait ses campagnes, dame Fanchonradotait son jeune temps ; le vicomte Paul eût donné la maisontout entière et la préfecture aussi pour que Wellington débouchâtsur la route avec cent mille Anglais. Il leur eût jeté lesbouteilles à la tête.

Lotte seule était froide et douce commetoujours. Il n’y avait eu que de l’eau pure dans son verre. Sespaupières tombaient demi-closes sur l’azur de ses grands yeux quirêvaient. Ses longs cheveux encadraient de boucles légères ladiaphane blancheur de sa joue.

– Chante, ma nourrice ! ordonna levicomte Paul qui voulait avoir toutes les joies.

Fanchon ne demandait pas mieux. Elle prit danssa poche un gros rouleau de complaintes et mit ses lunettes sur sonnez.

– Silence ! commanda Paul. Nourrice,une bien jolie, et pas de celles que je connais !

Quant au silence, c’était beaucoup demander.L’abbé, M. Galapian, les petits Tourangeaux et Joli-Cœurprotestèrent en chœur de leur obéissance. On ne s’entendaitplus !

– Une bien jolie ! répétait Fanchonla nourrice, une que tu ne connais pas… cherchons… C’est que jen’ai plus mes yeux de quinze ans !

Elle feuilletait, mouillant son pouce pourfaire glisser les feuilles volantes, ornées d’images.

Tout à coup, le vicomte Pauls’écria :

– Oh ! que celle-là est belle !jamais je ne l’avais vue !

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