Chapitre 50LA MARSEILLAISE
Dans la chambre voisine, le bon abbéRomorantin disait à Fanchon et à Joli-Cœur :
– On trouve tout dans les livres. Ledocteur Lunat est fou comme un lièvre en mars, mais sa folie mepermet de faire des recherches admirables ; le doigt de laProvidence est là. Tous les jours j’apprends quelque chose. Mesamis, il n’y a rien d’étonnant à ce qu’on ait rencontré trois joursde suite l’Homme dans Paris. Bertola, cité par Mathieu Pâris,affirme que le voyageur éternel a la faculté de rester en tout lieuoù il y a peste, famine ou guerre. Ça lui compte comme marcheforcée.
– Nous n’avons à Paris, Dieu merci,objecta Fanchon la nourrice, ni la peste, ni la guerre, ni lafamine.
Un chant monta de la rue de l’Ouest. Personned’abord n’y prit garde.
– Puisqu’on l’a rencontré trois jours desuite à Paris, prononça péremptoirement l’abbé, c’est qu’il a ledroit d’y rester, Bertola est précis, c’est que Paris a la famine,la peste ou…
– Écoutez ! interrompitJoli-Cœur.
Le chant montait plus distinct. C’étaient desnotes métalliques et vibrantes qui remuaient l’âme et qui faisaientfrayeur.
Les yeux du vieux hussard flamboyèrent.
– Je connais cela dit-il. C’est laMarseillaise ! M. l’abbé a raison. Nous n’avons nila peste ni la famine, à Paris, c’est possible ; maispuisqu’on chante la Marseillaise, nom d’une pipe ! nous avonsla guerre… et la guerre civile, encore ! va bien ! j’ensuis !