La Fille du Juif-Errant

Chapitre 82

 

Par une splendide journée d’août, le soleilcouchant enflammait le coude gracieux que fait la Seine au bas ducoteau de Meudon.

Dans le salon d’un cottage charmant, dont lesfenêtres regardaient le fleuve, le colonel comte Roland de Savray,brillant comme jadis, causait avec la comtesse Louise au fond d’uneembrasure. Roland appuyait ses lèvres sur les mains de sa femme,embellie par le bonheur.

Le vicomte Paul, qui ne se sentait plus de sablessure, était auprès de Lotte, douce comme une sainte. Ilsparlaient de leur union prochaine.

Le bon abbé Romorantin cherchait à obtenirquelques renseignements très délicats d’un homme de grande taille,qui se tenait au milieu de la chambre debout et le bâton à lamain.

Par les portes ouvertes, on voyait les figurescurieuses de Fanchon la nourrice et du hussard Joli-Cœur.

Six coups tintèrent au vieux clocher del’église. Isaac Laquedem dit :

– Mes amis, je vous fais mes adieux. Mesvingt-quatre heures de congé sont révolues.

Tout le monde l’entoura aussitôt, pendant queFanchon chantonnait :

Messieurs, le temps me presse,

Adieu la compagnie.

Grâce à vos politesses,

Je vous en remercie…

– Quoi ! déjà ! s’écria lacomtesse Louise en pressant les deux mains d’Isaac.

– Il le faut, répondit-il, onm’appelle.

– Qui ? demanda le comte.

– L’ange, répondit Isaac, qui se penchavers Lotte, la jeune fiancée, et la baisa au front.

Lotte souriait. Les autres avaient des larmesdans les yeux.

– Je veux prier l’ange, s’écria levicomte Paul, pour qu’il vous laisse avec nous ! Quel noma-t-il ?

– Il a nom l’Expiation.

Isaac était déjà au seuil du salon. Sa maintoucha ses lèvres et envoya un baiser à tous ceux qu’il aimait.

On le vit bientôt sur un grand chemin quilonge la rivière. Le soleil couchant jouait dans les mèches éparsesde ses cheveux.

– Lotte ! cria tout à coup levicomte Paul, car il venait d’apercevoir, une petite ombre blanchequi marchait aux côtés du voyageur, derrière l’ange, ministre de lamiséricorde infinie du grand Dieu : Lotte ! nem’abandonne pas !

– Je suis là, répondit une douce voix, àses côtés.

– Vous voyez bien qu’elle estdouble ! murmura le bon abbé Romorantin à l’oreille de Fanchonla nourrice. Voilà un fait acquis à la science !

Le voyageur tournait le coude du chemin duhalage et disparaissait derrière les peupliers. La brise du soirapporta son chant triste et doux qui disait :

Le dernier jugement

Finira mon tourment…

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