Chapitre 5LE PLAN DE CAMPAGNE DU VICOMTE PAUL
On n’aurait pas pu tromper le vicomte Pauls’il n’avait eu, ce jour-là, des occupations importantes. Levicomte Paul était Français ; il aimait son pays. Sansmépriser les divertissements de son âge, il savait faire la partdes choses sérieuses.
La grande route de Paris à Tours se poursuitjusqu’à Nantes et même jusqu’à Saint-Nazaire. Notre histoire sepasse sous la Restauration. Les chemins de fer n’existent pasencore.
La grande route se poursuivant jusqu’àSaint-Nazaire, petit port très-exposé aux entreprises des Anglais,Paul avait pensé à mettre la capitale à l’abri d’un coup demain.
Je suppose que les Anglais, commandés parWellington, revêtu d’un habit rouge à queue de morue, fussentdébarqués à Saint-Nazaire, qu’ils eussent pris Paimbœuf, conquisNantes, enlevé Ancenis, Angers, Bourgueil, Langeais et Luynes…Haussez-vous les épaules ? Du temps de Charles VI, etmême beaucoup plus tard, les Anglais en avaient pris biend’autres !
Enfin, ne disputons pas. Voilà le vrai :au bout du parc, il y avait un pavillon qui commandait la Loire etla route. Excellente position pour empêcher Wellington depasser ! Le vicomte Paul, secondé par Joli-Cœur et par quatrejardiniers, était en train d’élever autour du pavillon desretranchements formidables. Le colonel avait donné licence dedétourner l’eau du bassin pour emplir les fossés ; la comtesseLouise avait promis du canon.
Je vous prie de vous figurer Wellington et sesAnglais, tous ornés de queues rouges, débouchant par Luynes, surl’air de Malbrough s’en va-t-en guerre, et marchant versParis. Ils ne s’attendent pas à trouver là les fortifications duvicomte Paul. Pif ! paf ! Boum ! boum ! Lamousqueterie ! le canon ! Les voilà en fuite et montrantleur dos qui est si drôle !
S’échapperont-ils ? Non pas ! Levicomte Paul s’élance sur son poney, rejoint Wellington, l’arrêtepar la queue et venge le supplice de Jeanne d’Arc !
Et puis on va à Tours chanter le TeDeum et, dîner à la préfecture. Cette fois, le vicomte Paulsera invité, je pense ! Il l’aura bien mérité.