La Fille du Juif-Errant

Chapitre 35DISPARITION DE SIR ARTHUR

Encore une fois, où était le comte Roland deSavray, le maître, le colonel, le père ?

Il n’y avait plus d’escalier, et les flammesléchaient les pans des murailles noircies. L’homme du balcon avecsa barbe saupoudrée d’étincelles, se mit à marcher, à descendre. Ilse servait des débris de murailles comme de gradins, son pas étaitsûr et lent. L’enfant semblait dormir toujours entre ses bras.

Il atteignit le sol de la cour. Un grandcercle se fit autour de lui, composé de gens qui admiraient et quiavaient peur.

Joli-Cœur et Fanchon baisèrent un pan de sahouppelande brûlée. Le bon abbé Romorantin balbutiait une oraison.M. Galapian n’osa pas prier l’homme de lui aller chercher sonautre pantoufle, mais il en eut envie.

L’homme traversa la cour et descendit lacolline. On savait où il allait, et chacun disait : « Lamère ! la pauvre mère ! comme elle va êtreheureuse ! »

Quand l’homme était tout près, on ne voyaitpoint cette forme indécise qui ressemblait à la petite Lotte. Maisquand l’homme s’éloigna, descendant la pente, les lueurs del’incendie éclairèrent une vision vague qui semblait onduler à labrise des nuits. La vision suivait l’homme.

L’homme remit l’enfant à la mère et nes’arrêta point pour entendre ses actions de grâces. Il continua saroute. On le vit disparaître derrière les peupliers.

En ce moment, le colonel comte de Savray semontra tout à coup auprès de la calèche. Il y avait en lui quelquechose d’étrange et d’inusité. Quoi ? nul n’aurait su lepréciser.

– Le bambin est sauvé, tant mieux !dit-il d’une voix qui était bien la voix du colonel, mais où il yavait comme un écho de l’accent guttural de sir Arthur. Tout ça adonné bien de l’embarras !

La comtesse cessa de caresser passionnément levicomte Paul, qui allait s’éveillant dans un sourire. Cette voix lablessait autant que les paroles prononcées.

Était-ce bien le comte Roland qui parlait dela sorte, le comte Roland qui avait pour son fils unique unetendresse si folle ?

Joli-Cœur et Fanchon échangèrent unregard.

– Le vieux gentilhomme, le père ducolonel, avait cette voix-là à Lamballe… commença le hussard.

– Quand d’honnête qu’il était il devintdamné coquin ! acheva la nourrice.

Le colonel, cependant, bâillait à se démettrela mâchoire.

– Ça, dit-il, allons coucher à l’auberge.La maison était assurée, je m’en moque !

La comtesse Louise se recula pour ne letoucher point. Son cœur s’étonnait de ne plus sentir qu’une froiderépugnance pour cet homme qu’elle avait tant aimé. Elle serraitcontre sa poitrine le vicomte Paul qui disait tout bas :

– Qu’a donc papa ? C’est bien papa,et pourtant je n’ai pas envie de l’embrasser.

Le lendemain, le colonel avait perdu tout àfait cet accent anglais, mais la comtesse Louise et son filsétaient bien tristes sans savoir pourquoi.

Sir Arthur avait disparu, et depuis on ne lerevit plus jamais à Tours en Touraine.

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