La Fille du Juif-Errant

Chapitre 26L’HISTOIRE DE LAMBALLE

Mme Lancelot, des domaines,ayant établi solidement ces deux faits, savoir : que leJuif-Errant mourait tous les cent ans et qu’il avait une fille dunom de Ruthaël, toussa pour bien indiquer que la partie dramatiquede son récit allait commencer, et s’exprima ainsi :

– Lamballe est une cité antique.M. Lancelot prétend qu’elle était la capitale des Ambiliates,du temps des Romains. On y vit bien et à bon compte. J’y ai vu ladouzaine d’œufs à trois sous. Monsieur Lancelot, quel est donc lefameux capitaine qui trouva la mort en ces lieux ?

– Le capitaine Lanoue,Mme Lancelot…

– C’est ça ! Eh bien ! cecapitaine Lanoue avait un lieutenant, qu’on accusait déjà d’être leJuif-Errant. Tout auprès de la vieille église, perchée sur un roc,il y a une maison plus vieille encore que l’église. Elle a plus demille ans. On l’appelle la Maison du Juif-Errant. C’est là que vintdemeurer le petit lieutenant de Savray quand il se fut cassé le couen épousant Mlle Louise de Louvigné, qui n’avait nisou ni maille.

Ils demeuraient dans cette vieille masure avecFanchon Honoré, qui les servait pour l’amour du bon Dieu, et lesoldat Joli-Cœur faisait les gros ouvrages. Je vous prie de croirequ’on n’avait pas de carrosse à cette époque-là. En ville, ondisait : Ils mangeront bien du pain sec avant de mourir defaim !

Ici, Mme Lancelot reprithaleine.

La sous-intendante dit entre haut etbas :

– Elle est commune, mais elle raconteavec facilité.

Cette appréciation fut généralement approuvée.Néanmoins la présidente murmura :

– Nous n’avions pas besoin de savoir leprix de la douzaine d’œufs à Lamballe ! Soyonsjustes !

– Un soir, continuaMme Lancelot, des domaines, c’était en septembre,comme aujourd’hui, et il avait fait chaud toute la journée, lebruit courut qu’on avait vu quelque chose de drôle sur la collinequi est devant le bourg d’Andel. Un voyageur s’était montré aumoment où le soleil se couchait au loin dans la baie deSaint-Brieuc. C’était un homme à longue barbe, marchant à pied, quiparaissait trois fois plus grand que la nature humaine. Ils’appuyait sur un long bâton et menait par la main une petite fillesi chétive, que les rayons du soleil couchant passaient au traversde son corps…

– Cé été absolioutementeimepossible ! fit observer sir Arthur en haussant lesépaules avec conviction.

C’est ainsi que ce gentilhomme parlait lefrançais.

– Regarde la comtesse Louise, toi,goddam, grommela Mme Lancelot, etlaisse-nous la paix !

Pour commune, elle était commune, mais elleavait de « l’esprit naturel. »

Sir Arthur ne se faisait pas faute de regarderla comtesse Louise qui dansait pour la seconde fois. Il avait l’airde trouver qu’elle dansait bien.

– Et que firent-ils, demanda lagendarmerie, le voyageur trois fois plus grand que nature et lapetiote au travers de laquelle les rayons du soleilpassaient ?

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