Chapitre 9LOTTE
Là-bas, à la préfecture,Mme la maréchale de camp avait dit, à propos ducolonel comte Roland de Savray et de Louise, la belle comtesse,filleule du roi Louis XVIII :
– Il y a plus d’une histoire… celle duJuif-Errant est drôle !
Bien des gens pourront se demander quelrapport existait entre le brillant bonheur de ces jeunes époux etle Maudit de la légende populaire.
Cependant il y avait ici, dans le pavillon,vis-à-vis du vicomte Paul, une jolie et pâle créature, douce commele mélancolique sourire des saintes, que les gens de la maison etaussi les gens du pays appelaient « la fille duJuif-Errant. »
Lotte semblait avoir de huit à dix ans. Elleétait grande pour cet âge. Ceux qui la connaissaient prétendaientqu’on l’avait toujours vue ainsi. Depuis longtemps, bien longtemps,elle avait toujours de huit à dix ans. Certains disaient :« depuis onze ans ! »
Elle parlait peu. Ses grands yeux bleusrêvaient souvent et souvent priaient. Ses cheveux d’un blond dorétombaient en masses soyeuses sur la transparente pâleur de sesjoues.
Il y avait autour d’elle comme un froid, unmystère, une frayeur, et un charme.
Seuls, la comtesse Louise et son fils Pauls’embrassaient de bon cœur.