Chapitre 18LE VOYAGEUR
L’homme sembla d’abord immobile : statuesombre au milieu d’un éblouissement.
Mais on vit bientôt qu’il marchait, car satête descendit au niveau du sommet, derrière lequel le soleildisparut.
On put alors distinguer mieux. C’était unhomme de grande taille, qui allait appuyé sur un bâton devoyageur.
Il était seul. – Était-il seul ? – Àmesure qu’il avançait vers l’ombre de la vallée, une forme blanche,indécise et transparente, se dessinait vaguement à ses côtés.
– Lotte ! murmura le premier levicomte Paul.
Un murmure contenu répondit derrièrelui :
– La fille du Juif-Errant !
– Ah çà ! grommela M. Galapianqui se frottait les yeux à tour de bras, est-ce que j’ai bu trop dechambertin, moi ?
– Vade retro, balbutia l’abbéRomorantin.
Le voyageur, cependant, arrivait au bas de ladescente et disparaissait sous le rideau de peupliers.
– Dansons ! s’écria le vicomte Paulqui s’étonnait d’avoir un poids sur le cœur.
Personne ne lui répondit.
Dame Fanchon serrait la médaille de sonchapelet en tremblant.
Joli-Cœur s’approcha d’elle etmurmura :
– Ce fut comme cela quand il vint àLamballe… on voyait le soleil se coucher au loin dans la mer.
– Que Dieu nous préserve d’unmalheur ! fit la nourrice.
Et le vicomte Paul, secouant sa blondecrinière d’un air vaillant, s’écria :
– On doit faire ici tout comme à lapréfecture. Dansons, ou je me fâche ! Je veux qu’ondanse !