La Fille du Juif-Errant

Chapitre 73LE GRAND SECRET

– Ma reine, reprit le faux comte, quandles verres furent pleins, je vais vous expliquer l’histoire.

– Est-ce que je ne pourrais pas rester làpendant l’opération ? demanda Hérodiade. Je voudrais voir.

– Non, impossible. Je dois être seul.C’est la loi. Mais je puis vous faire assister par la pensée…

– Je voudrais voir interrompit Hérodiadequi était entêtée.

– Le roi dit : Nous voulons !prononça solennellement le soldat Ozer.

Puis, avec un gros rire, il ajouta :

– Et encore, on ne lui obéit pas tous lesjours !

Il but un verre de punch et reprit :

– Nous sommes seuls. Le blessé estévanoui. Ce fou de docteur n’a pas même songé à lui rendre sessens. On peut causer : cela tue le temps, et quand je doischanger de corps, j’ai toujours une petite émotion biennaturelle…

– C’est donc dangereux ? demandaHérodiade.

– Mon Dieu non, pas autrement… mais c’estdélicat. Voilà : il me faut un homme évanoui, pour qu’il soitcomplètement en mon pouvoir, mais un homme en bonne santé pourtant,car je ne voudrais pas m’affubler d’un corps malade ou en danger demort. Quand je me fis sir Arthur, je lui donnai tout bonnement àboire un verre de vin chaud où il y avait une bonne dose delaudanum. Quand je m’introduisis dans la peau du colonel comte deSavray…

– Vous regretterez ce corps-là !interrompit Hérodiade. Cinq pieds sept pouces, et dumollet !

– C’est possible, mais laissez-moi vousconter cette anecdote. Ce fut la nuit de l’incendie, là-bas, àTours. Pendant que ce coquin d’Ahasvérus sauvait l’enfant, moi, jesuivais le père par derrière ; les lueurs du feul’éblouissaient, et d’ailleurs il avait la tête perdue ; ilbuta contre un tuyau de pompe, je l’étourdis d’un coup de poing, etpendant qu’il cherchait à se relever, troublé comme un homme ivre,j’aspirai lestement son âme, et j’entrai en lui comme chez moi.

– C’est tout de même bien étonnant !dit la reine Hérodiade. Je voudrais voir !

– Et je revins, ajouta Ozer, m’étendredans la calèche auprès de la comtesse Louise, qui devenait ma femmelégitime.

– Donna-t-elle dans le panneau ?

– Bah ! fit Ozer, jamais cettepimbêche ne m’a permis de lui baiser le bout des doigts.

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