La Fille du Juif-Errant

Chapitre 59LE DUEL

Pour le coup, Paris dormait. Les soldats dupouvoir sommeillaient au bivac ou dans les corps-de-garde, lessoldats de l’insurrection reposaient derrière les barricadescommencées. Les sentinelles seules gardaient leurs yeuxouverts.

La comtesse Louise, appuyée au bras de labelle grande jeune fille qui avait le visage de Lotte, prit àrebours le chemin qu’elle avait fait une fois déjà cette nuit. LePetit-Pont fut traversé, la rue Saint-Jacques fut remontée, mais aulieu de se diriger vers la rue de l’Ouest, Louise de Savray et sacompagne prirent à gauche du Luxembourg, pour gagner les boulevardsdu Sud.

Derrière le cimetière Montparnasse c’étaitalors une plaine vaste et poudreuse, où quelques usinescommençaient à s’élever. Cette plaine avait l’aspect de laideurdésolée particulier aux terrains qui ne sont déjà plus des champset qui ne sont pas encore la ville.

À cinq cents pas du cimetière environ il yavait un clos ; fermé par un treillage de lattes tout neuf etqui contenait de la luzerne mal venue. Cela pouvait avoir un arpentet demi, et le propriétaire avait eu soin d’écrire sur un poteaucette mention, qui est le surperlatif des grotesqueriesparisiennes : Chasse réservée.

C’était là que le vicomte Paul, assisté de sesdeux dragons, venait de se rencontrer avec Roger, accompagné de sesdeux camarades, l’héritier de l’ancien préfet de Tours et le filsde Mme Lancelot.

Roger était l’insulté. Il choisit l’épée,qu’il tirait fort bien.

On s’introduisit dans le clos, malgrél’écriteau, et les adversaires furent placés sur un terraincommode.

Ils mirent habit bas. Le combat commença toutde suite ; et dès les premières passes le vicomte Paul eut dusang à sa chemise.

Le jour était tout grand, et le soleil selevait là-bas derrière le dôme du Val-de-Grâce.

Tout à coup un grand cri retentit au coin ducimetière. Il y avait là deux femmes, dont l’une tomba évanouiedans les bras de l’autre.

L’épée du vicomte Paul vacilla malgré lui danssa main. Il avait reconnu la voix de sa mère.

Roger, profitant de son avantage, se fenditavant que les témoins pussent s’interposer. Le vicomte Paul tomba,mais ce ne fut point sous le fer de son ennemi.

Le cri de sa mère lui avait traversé lecœur.

L’épée de Roger avait rencontré le corps d’unhomme de haute taille qui avait paru inopinément entre les deuxadversaires. On eût dit qu’il sortait de terre.

L’épée de Roger, en touchant le corps de cethomme, se brisa comme un fétu de paille, et ses éclatss’éparpillèrent au loin sur le sol.

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