La Fille du Juif-Errant

Chapitre 14CHUT !

Le bon abbé Romorantin était visiblementdéconcerté ; M. Galapian, homme laid et de mauvaise mine,avait à ses grosses lèvres un sourire goguenard ; le hussardJoli-Cœur se grattait l’oreille jusqu’au sang ; les petitsTourangeaux ouvraient de grands yeux et béaient de la bouche ;Sapajou faisait des grimaces. Fanchon tremblotait de la tête, desmains et des genoux, comme une nourrice qui va tomber ensyncope.

Seuls, vis-à-vis l’un de l’autre, la jolieLotte et le vicomte Paul n’avaient point changé de contenance.

Lotte était toujours froide et douce comme lesanges blonds des images de piété.

Paul riait, criait, se démenait,répétant :

– Le Juif-Errant ? Qu’est-ce quec’est que le Juif-Errant ?

Personne ne répondit.

Mais l’abbé Romorantin ayant éternué parhasard, chacun s’écria, heureux de rompre ce silence, lourd commeplomb :

– Dieu vous bénisse !

L’abbé remercia. Le vicomte Paul mit le poingsur la hanche.

– Je vais me fâcher, déclara-t-il toutnet, si on ne me dit pas ce que c’est que le Juif-Errant. Jamais jen’ai vu de barbe pareille…

Le Galapian chantonna :

Jamais ils n’avaient vu

Un homme aussi barbu…

– Qu’est-ce que vous dites, vous,monsieur l’addition ? demanda le vicomte Paul.

– Chut ! siffla l’hommed’affaires.

– Chut ! répéta l’abbé.

Et, tout autour de la table, un long échofit :

– Chut ! chut ! chut !

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