La Fille du Juif-Errant

Chapitre 3COMMENT LE COMTE ET LA COMTESSE DÉSOBÉIRENT UNE FOIS À LEUR FILSUNIQUE

Le vicomte Paul n’étant pas invité à lapréfecture, on avait dû le laisser à la maison. Ce n’était pas unemince affaire. Le vicomte Paul n’aimait pas qu’on s’amusât sanslui, et il était un peu le souverain maître dans cette opulentevilla qu’on avait louée tout exprès pour lui et qui dominait, duhaut de ses terrasses fleuries, le large fleuve, la levée, laville, le lointain des vastes forêts : toute l’admirablecampagne tourangelle.

L’air valait mieux ici pour le vicomtePaul.

Il faut toujours tromper les tyrans. Lescorybantes chantaient et dansaient dans l’île de Crête pourempêcher Saturne d’entendre les cris de Jupiter enfant. À l’heureoù la voiture attelée vint au bas du perron attendre le colonel deSavray et la belle vicomtesse Louise pour les emmener à lapréfecture, lui en grand uniforme, elle en fraîche toilette d’été,toute la maison s’était emparée du vicomte Paul, chantant etdansant comme les prêtres corybantes.

Si bien que le comte Roland et la comtesseLouise, riant comme deux écoliers espiègles qui risquent l’écolebuissonnière, purent descendre la colline et prendre au galop lagrande route qui mène à Tours, sans encourir le veto de leurseigneur et maître, ce superbe bambin de vicomte Paul.

Il est vrai que Louise emportait le remords dene l’avoir point embrassé au départ.

Tout le long du chemin, on causa de lui, etplus d’une fois le sourire de la jeune mère se mouilla. C’était unenfant idolâtré.

Quand M. le comte etMme la comtesse entrèrent à la préfecture, il y eutémotion. Le préfet s’agita, la préfète dépensa plusieurs sourireset alla jusqu’à demander des nouvelles du vicomte Paul. Oui,vraiment, la préfète !

Parmi les messieurs et les dames quiattendaient le potage, on causa ainsi :

– Colonel à trente-cinq ans ! dit laprésidente avec une élogieuse amertume, voilà ce qui s’appellealler !

– Bientôt général ! ajouta lareceveuse particulière, une enthousiaste.

– L’air un peu trop content de lui-mêmeglissa le procureur général. Et des protections.

– Il y a de quoi être content ! fitobserver M. le maire.

– Deux cent mille livres de rentes !chiffra aussitôt le receveur général.

– Le crédit de sa femme… commençaaigrement la maréchale de camp.

– Toujours jolie, sa femme ! s’écriala receveuse particulière.

– Filleule du roi ! ponctuaM. Lamadou, commandant de la gendarmerie.

– On raconte une histoire… insinua ladirectrice de l’enregistrement.

– Oh ! plus d’une ! interrompitla maréchale de camp. Celle du Juif-Errant est drôle !

– Et cet éblouissant colonel est joueurcomme les cartes, vous savez ? fit le chef du parquet.

– On pourra bien voir une culbute !chantèrent en chœur plusieurs voix.

Les deux battants s’ouvrirent, laissant passerces mots heureux :

– Madame la préfète est servie !

Sir Arthur n’avait rien dit.

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