La Fille du Juif-Errant

Chapitre 27LES SAVRAY-PAIN-SEC

– Les gens se rassemblèrent sur le vieuxrempart pour voir cela, continua la dame des domaines, dont lavoix, malgré elle, prit de mystérieuses inflexions. À mesure que levoyageur avançait, on voyait mieux sa fatigue et la peine qu’ilavait à marcher. Quand il entra dans l’ombre du vallon, sous laville, la petite fille semblait un pauvre flocon de vapeur.

En arrivant aux portes de la ville, il étaitseul.

Il s’arrêta devant la première maison etdemanda l’hospitalité. Ceux de Lamballe ne sont pas méchants, etjadis les logis de ce bon duché de Penthièvre avaient la réputationde garder toujours porte ouverte et table mise. Mais une rumeurcourait au devant du voyageur et le suivait par derrière ; ondisait : C’est le traître à Dieu !

Pourquoi le disait-on ? Il y a un ancienconte qui prétend que le Juif-Errant meurt tantôt à Lamballe, enBretagne, tantôt dans la ville d’Ofen, au pays de Hongrie. Et lamaison habitée par les Savray-Pain-sec (car on les nommait ainsi)s’appelait la Maison du Juif-Errant.

Les gens qui, du vieux rempart, avaient vuarriver le voyageur se demandaient où était passée la petitefille.

La première porte resta close. Le voyageurétait très-pâle. À la seconde porte, on lui dit : « Allezvotre chemin. » La troisième s’ouvrit pour donner issue à ungros chien hargneux qui lui mordit les jambes.

Le voyageur courbait la tête devant chaquerefus. À tout instant il devenait plus blême ; ses jarretstremblaient sous le poids de son corps. Et pourtant, il suivait saroute, heurtant aux portes et demandant asile pour la nuit.

– Traître à Dieu ! traître àDieu ! C’était partout la même réponse.

Bientôt sa haute taille se courba endeux ; les rides de sa face se creusèrent ; le soufflerâla dans sa poitrine. Il prit l’apparence d’un homme qui vamourir.

À l’avant-dernière maison, proche de l’église,il heurta encore. Une servante ouvrit la fenêtre et lui jeta sur latête le panier aux ordures.

Il chancela et vint tomber au seuil de ladernière maison, – qui était celle des Savray-Pain-sec. Son bâtons’échappa de ses mains et cogna la porte.

Louise, enceinte de son fils, vint ouvrirelle-même car son mari faisait la vie de garnison ; FanchonHonoré était au salut et Joli-Cœur à la caserne.

Louise releva le voyageur en le prenant par lamain, malgré ceux qui criaient : Traître à Dieu ! traîtreà Dieu ! Elle l’aida à franchir la pierre du seuil et lecoucha dans son propre lit…

– Mais savez-vous, dit à cet endroit lecommandant de gendarmerie, que je ne désapprouve pascela !

– Savoir ! savoir ! fit lasous-intendante. Elle avait son idée !

On voulut avoir l’avis de sir Arthur, quirépondit avec franchise :

– Ce été rêmâquabelmentestioupid !

– Il n’en est pas moins vrai, reprit leprocureur général, que voilà le traître à Dieu chez les Pain-sec.Voyons la suite, c’est intéressant.

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