Le Dernier mot de Rocambole – Tome III

Chapitre 21

 

Milon jeta un cri ; et, horriblementbrûlé, la barbe et les cheveux roussis, il recula jusqu’à la porteet s’élança dans le corridor.

Les flammes le suivirent.

Le colosse appela au secours.

Mais il n’y avait plus personne dans l’hôtel.Depuis deux jours, Vanda et Marmouset, prévoyant de gravesévénements, avaient congédié les domestiques, ne gardant que lecocher et le palefrenier dont ils étaient sûrs.

La petite salle était maintenant une fournaiseardente.

Milon s’était réfugié dans la cour ; lesflammes passaient par les fenêtres.

Alors le pauvre colosse, complètement affolé,se précipita de la cour dans la rue, oubliant son prisonnier, ouplutôt bien persuadé que l’Espagnol qui était garrotté, allaitpérir dans les flammes.

La voix de stentor de Milon retentit alorscomme le tocsin :

– Au feu ! cria-elle, aufeu !

Et quelques fenêtres s’ouvrirent aux maisonsvoisines et le cri : « Au feu ! » futrépété.

Le poste de police de la rue de Ponthieu,prévenu par un sergent de ville qui était de garde auxChamps-Élysées, accourut en toute hâte.

Moins d’un quart d’heure après, les pompesarrivèrent, et tout ce paisible quartierFrançois Ier fut mis en grand émoi.

La nuit était calme et il pleuvait un peu.

Ces deux circonstances empêchèrent l’incendiede se développer très vite et permirent aux pompiers de faire lapart du feu.

Les gros murs, les cloisons même résistèrent,le premier étage de l’hôtel fut à peine touché, et on finit paréteindre le feu, au rez-de-chaussée, vers trois heures dumatin.

Alors seulement, Milon songea àl’Espagnol.

Qu’était-il devenu ?

Était-il parvenu à briser ses liens et àsauter par la fenêtre, tandis que Milon fuyait par laporte ?

Ou bien avait-il péri ?

Milon se posa la question en frémissant.

Les meubles qui avaient brûlé laissaient çà etlà des débris reconnaissables.

Vainement Milon chercha-t-il le cadavrecarbonisé de l’Espagnol.

Au petit jour, l’incendie était complètementéteint et les pompiers se retirèrent, ainsi que tous ceux quiavaient porté secours.

Milon resta seul.

Il resta seul, morne, sombre, épouvanté, serendant compte, pour la première fois, de ce qui s’était passé.

L’odeur nauséabonde avait été répandue parl’Espagnol, l’incendie était son œuvre, et s’il avait fait cela,s’était pour se sauver.

Or, l’Espagnol sauvé, Marmouset et Vandaétaient perdus.

Et tout cela était la faute de Milon qui, pourla seconde fois, était joué comme un enfant.

Et Milon prit sa tête à deux mains, s’assit àla porte de l’hôtel, sur une borne, et se mit à sangloter.

Avec ses habits brûlés, sa face noircie, ilavait l’air d’un vieux démon chassé de l’enfer.

Et tandis qu’il pleurait, le pauvre vieux,déchirant sa poitrine avec ses ongles crispés, heurtant parfois aumur sa tête blanche, alors qu’il était au paroxysme de sondésespoir, un homme qui s’était approché de lui sans qu’il le vîtet l’entendit, lui posa brusquement la main sur l’épaule.

Milon leva la tête…

Milon se dressa comme s’il eût reçu dans lapoitrine la décharge d’une pile électrique.

Milon jeta un cri suprême :

– Rocambole !

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