Graziella

XXII

Nous congédiâmes les marins de Procida, aprèsleur avoir payé les trois sequins convenus. Nous nous chargeâmeschacun d’un des objets de gréement qui encombraient la cale. Nousrapportâmes à la maison, au lieu des débris de sa fortune, toutesces richesses de l’heureuse famille. Le soir après souper à laclarté de la lampe, Beppo détacha du chevet du lit de sa grand-mèrele morceau de planche brisée où la figure de saint François avaitété sculptée par son père ; il l’équarrit avec une scie ;il la nettoya avec son couteau ; il la polit et la peignit àneuf. Il se proposait de l’incruster le lendemain sur l’extrémitéintérieure de la proue, afin qu’il y eût dans la nouvelle barquequelque chose de l’ancienne. C’est ainsi que les peuples del’Antiquité, quand ils élevaient un temple sur l’emplacement d’unautre temple, avaient soin d’introduire dans la construction dunouvel édifice les matériaux, ou une colonne au moins, de l’ancien,afin qu’il y eût quelque chose de vieux et de sacré dans lemoderne, et que le souvenir lui-même fruste et grossier eût sonculte et son prestige pour le cœur parmi les chefs-d’œuvre dusanctuaire nouveau. L’homme est partout l’homme. Sa nature sensiblea toujours les mêmes instincts, qu’il s’agisse du Parthénon, deSaint-Pierre de Rome ou d’une pauvre barque de pêcheur sur unécueil de Procida.

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