Graziella

VIII

Tenter de franchir ce passage avec une barqueaussi fragile, et qu’un seul jet d’écume pouvait remplir etengloutir, c’était insensé. Le pêcheur jeta sur le cap éclairé parsa colonne d’écume un regard que je n’oublierai jamais, puisfaisant le signe de la croix : « Passer est impossible,s’écria-t-il ; reculer dans la grande mer encore plus. Il nenous reste qu’un parti : aborder à Procida oupérir. »

Tout novices que nous fussions dans lapratique de la mer nous sentions la difficulté d’une pareillemanœuvre par un coup de vent. En nous dirigeant vers le cap, levent nous prenait en poupe, nous chassait devant lui ; noussuivions la mer qui fuyait avec nous, et les vagues, en nousélevant sur leur sommet, nous relevaient avec elles. Elles avaientdonc moins de chance de nous ensevelir dans les abîmes qu’ellescreusaient. Mais pour aborder à Procida, dont nous apercevions lesfeux du soir briller à notre droite, il fallait prendre obliquementles lames et nous glisser, pour ainsi dire, dans leurs vallées versla côte, en présentant le flanc à la vague et les minces bords dela barque au vent. Cependant, la nécessité ne nous permettait pasd’hésiter. Le pêcheur nous faisant signe de relever nos rames,profita de l’intervalle d’une lame à une autre pour virer de bord.Nous mîmes le cap sur Procida, et nous voguâmes comme un brind’herbe marine qu’une vague jette à l’autre vague et que le flotreprend au flot.

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