XXVI
Que nous étions heureux ensemble lorsque nouspouvions oublier complètement qu’il existait un autre monde au-delàde nous, un autre monde que cette maisonnette au penchant duPausilippe ; cette terrasse au soleil, cette petite chambre oùnous travaillions en jouant la moitié du jour ; cette barquecouchée dans son lit de sable sur la grève, et cette belle mer dontle vent humide et sonore nous apportait la fraîcheur et lesmélodies des eaux !
Mais, hélas ! il y avait des heures oùnous nous prenions à penser que le monde ne finissait pas là, etqu’un jour se lèverait et ne nous retrouverait plus ensemble sousle même rayon de lune ou de soleil. J’ai tort de tant accuser lasécheresse de mon cœur alors en le comparant à ce qu’il a ressentidepuis. Au fond, je commençais à aimer Graziella mille fois plusque je ne me l’avouais à moi-même. Si je ne l’avais pas aiméeautant, la trace qu’elle laissa pour toute ma vie dans mon âmen’aurait pas été si profonde et si douloureuse, et sa mémoire ne seserait pas incorporée à moi si délicieusement et si tristement, sonimage ne serait pas si présente et si éclatante dans mon souvenir.Bien que mon cœur fût du sable alors, cette fleur de mer s’yenracinait pour plus d’une saison comme les lis miraculeux de lapetite plage s’enracinent sur les grèves de l’île d’Ischia.