XII
Beppino se coucha dans la barque. Instruitainsi par lui de ce qui s’était passé, j’entrai dans la maison.
Andréa et sa femme étaient seuls surl’astrico. Ils me revirent avec amitié et me comblèrent dereproches tendres sur mon absence si prolongée. Ils me racontèrentleurs peines et leurs espérances touchant Graziella. « Si vousaviez été là, me dit Andréa, vous qu’elle aime tant et à qui ellene dit jamais non, vous nous auriez bien aidés. Que nous sommescontents de vous revoir ! C’est demain que se font lesfiançailles ; vous y serez ; votre présence nous atoujours porté bonheur. »
Je sentis un frisson courir sur tout mon corpsà ces paroles de ces pauvres gens. Quelque chose me disait que leurmalheur viendrait de moi. Je brûlais et je tremblais de revoirGraziella. J’affectai de parler haut à ses parents, de passer et derepasser devant sa porte comme quelqu’un qui ne veut pas appelermais qui désire être entendu. Elle resta sourde, muette, et neparut pas. J’entrai dans ma chambre et je me couchai. Un certaincalme que produit toujours dans l’âme agitée la cessation du douteet la certitude de quoi que ce soit, même du malheur, s’emparaenfin de mon esprit. Je tombai sur mon lit comme un poids mort etsans mouvement. La lassitude des pensées et des membres me jetapromptement dans des rêves confus, puis dans l’anéantissement dusommeil.